|
Les Africains sont amenés fatalement
à parler notre langue, à adopter quelques-unes de nos méthodes
et de nos idées, à se confondre peu à peu avec nous. Personne
ne peut mettre en doute que cela soit désirable; on a seulement
contesté parfois que cela soit possible. " La grande oeuvre,
dit Raymond Aynard, la grande chimère peut-être, si attirante
qu'on ne peut s'empêcher de la suivre, c'est l'assimilation du
dedans, la création d'une âme commune. C'est une tâche
colossale de rapprocher ces colonnes d'Hercule, ces deux
humanités qui se sont toujours ignorées ou combattues. "
Mais il faut laisser faire le temps, sans lequel ne se crée
aucune oeuvre durable. Qu'est-ce qu'un siècle dans l'histoire de
l'humanité? Il faut vingt ans pour faire l'éducation d'un homme:
il faut vingt siècles pour faire l'éducation d'une race.
L'Algérie n'est ni un dominion comme le Canada, ni un
État sujet comme l'Inde, ni une colonie de la Couronne comme la
Jamaïque. La France a repris l'œuvre de Rome dans le même
esprit que sa devancière, qui tendait à incorporer les provinces
à l'Empire : Cuncti gens una sumus. " Nous voulons,
dit Onésime Reclus, faire de nos Africains, de quelque race
qu'ils soient, un peuple ayant notre langue comme langue commune,
car l'unité de langage entraîne peu à peu l'union des
volontés. Et nous pouvons espérer que des centaines de millions
d'hommes parleront un jour la langue de Victor Hugo, quand auront
disparu des nations qui se croyaient beaucoup plus assurées que
nous d'une éternelle durée. " |
|
LE RÔLE DE L'ALGÉRIE
DANS L'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS |
|
Si la date de 1830 est une des plus
grandes de notre histoire nationale, c'est que nul événement n'a
été plus fécond en conséquences que notre établissement à
Alger. C'est il y a cent ans qu'a été posée la première pierre
de ce vaste empire colonial africain qui s'étend jusqu'au lac
Tchad et aux rives du Congo. Après avoir flotté à Alger en
1830, notre drapeau a été arboré à Tunis en 1881, à Fès en
1912. Dès lors, le rôle de l'Algérie s'est trouvé
complètement modifié et élargi. Colonie acquise par hasard, un
peu dédaignée et languissante, elle est devenue le point de
départ et le centre le plus actif de l'influence française en
Afrique. De même que notre colonie de la Réunion nous a conduits
à Madagascar et que nos comptoirs du Sénégal nous ont amenés
sur le Niger, c'est l'Algérie, ce sont les longs efforts que nous
y avons déployés, le sang et l'argent que nous y avons
dépensés pendant un siècle, qui ont fait de nous les héritiers
éventuels de la Tunisie et du Maroc. La Tunisie a profité de
l'expérience algérienne, le Maroc à la fois de l'expérience
algérienne et de l'expérience tunisienne. C'est en Algérie que
s'est formé le personnel de soldats, d'administrateurs, de
colons, que nous avons utilisé dans les protectorats voisins ; |
|
|