Page précédente HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES - Tome2 - Retour page Table des matières ALGÉRIE - LIVRE PREMIER - CHAP. 2 Page suivante
  L'ALGÉRIE SOUS LES TURCS  
     
   leurs richesses faisaient d'eux les vrais seigneurs d'Alger. Les renégats étaient parmi eux en nombre considérable; sur 35 raïs énumérés par le P. Dan en 1588, on compte 22 renégats. Les corsaires du royaume d'Alger étaient, à la fin du seizième siècle, les premiers marins de leur temps. Leurs galères étaient d'une vitesse incomparable et leurs équipages soumis à la discipline la plus sévère. Les chiourmes étaient composées de forçats, comme celles des galères chrétiennes. Le comité, armé du fouet, courait de la poupe à la proue pour exciter les rameurs. Chaque navire embarquait en outre un détachement de soldats.
Pendant le seizième siècle, les Algériens n'eurent que des vaisseaux légers, galères ou galiotes. Plus tard, le Flamand Simon Dansa leur apprit l'usage des vaisseaux de haut bord, avec lesquels on pouvait tenir la mer dans l'Océan. Ils franchirent alors le détroit de Gibraltar; Madère fut pillé de fond en comble, les côtes de l'Angleterre furent insultées. En 1627, le raïs Mourad alla jusqu'en Islande. En huit ans, le nombre des bâtiments capturés s'éleva à 936. Dans les années favorables, la valeur des prises atteignit plusieurs millions.
Les raïs à l'origine furent à l'Islam ce que les Chevaliers de Malte furent à la Chrétienté; comme eux, ils firent tout le mal possible à l'infidèle, combattant ses vaisseaux de guerre, enlevant ses bâtiments de commerce, brûlant et pillant les villes maritimes, ravageant les côtes et réduisant les peuples en captivité. Plus tard, les expéditions devinrent de véritables entreprises commerciales, auxquelles s'intéressaient les riches particuliers et souvent le dey lui-même. Le partage des prises était réglé avec la plus grande précision. Au retour des corsaires, un secrétaire des prises, assisté de chaouchs, de changeurs, de mesureurs, de crieurs, faisait débarquer et vendre les marchandises et les esclaves; ensuite il procédait à la répartition. Un droit fixe était prélevé par l'État, le reste était partagé entre l'armateur et l'équipage. Personne à bord ne touchait de solde, on naviguait à la part.
Les esclaves étaient vendus à la criée sur un marché spécial, la place du Badistan. Le prix différait beaucoup, suivant qu'il s'agissait d'esclaves de travail ou d'esclaves de rançon. Les premiers, matelots, pêcheurs, paysans, étaient mis au dur travail de la chiourme; en dehors des expéditions maritimes, ils étaient employés à la culture des jardins ou à des travaux domestiques; beaucoup se convertissaient et s'enrôlaient dans les équipages. Les captifs qui semblaient appartenir à la classe aisée étaient l'objet d'un commerce très important, on les achetait, on les revendait, on négociait leur rachat avec leurs familles ou avec eux-mêmes. D'ordinaire ils étaient bien traités. On les considérait comme une marchandise précieuse, qu'il fallait se garder d'endommager. La condition des captifs variait selon l'humeur
 
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