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  L'ALGÉRIE SOUS LES TURCS  
     
  
de leurs maîtres ; d'une façon générale, leur vie, sur laquelle nous avons de nombreux récits, en particulier dans les écrits de Cervantès et de Regnard, qui furent l'un et l'autre esclaves à Alger, était moins misérable qu'on ne pourrait le supposer. On leur permettait d'aller par la ville en toute liberté, mais on leur lais­sait le soin de pourvoir à leur subsistance. Les deux ordres des Trinitaires ou Mathurins et des Pères de la Merci, installés à Alger dès le dix-septième siècle, s'occupaient du rachat des captifs et s'efforçaient d'améliorer leur sort; ils avaient fondé, dans les principaux bagnes, des hôpitaux possédant chacun une chapelle; les Turcs n'y voyaient aucun inconvénient, ayant remarqué, dit-on, que la fréquen­tation des offices religieux rendait les captifs moins vicieux et plus dociles. Excepté dans les jours d'effervescence, on ne voit pas qu'il y ait eu de persécution exercée contre les chrétiens. Les Barbaresques faisaient la course et la traite des blancs sans haine et sans colère. C'était leur négoce et leur industrie.
La course eut le plus grand succès jusqu'au milieu du dix-septième siècle ; on comptait alors à Alger jusqu'à 35 000 captifs; il n'y en avait plus que 2 000 au dix-huitième siècle, 1 200 au début du dix-neuvième siècle. Aussi la Régence se mourait d'inanition.
 

IV

L'ALGER TURC

Alger fut pendant trois siècles la métropole de la piraterie, le rendez-vous de tous les forbans, la patrie cosmopolite de tous les aventuriers, la terreur des nations civilisées qu'elle bravait avec l'audace d'une longue impunité. Bien qu'il reste peu de chose de la cité des corsaires, détruite et défigurée de toutes manières, il est facile de la reconstituer par la pensée, grâce aux vues anciennes et aux nombreuses descriptions qu'en ont laissées les captifs et les voyageurs.
La ville avait l'aspect d'un triangle dont le sommet était formé par la Kasba, d'où elle dévalait en pente raide vers la mer. Les maisons, basses, muettes, penchées les unes sur les autres, étaient séparées par des ruelles étroites qui laissaient à peine filtrer un peu de lumière. Une longue artère commerçante, le grand Souk, traversait la ville basse, réunissant Bab-el-Oued au Nord et Bab-Azzoun au Sud; une troisième porte, Bab-Djedid ou la Porte-Neuve, s'ouvrait dans le haut de la ville; deux autres, les portes dites de la Marine et de la Pêcherie, donnaient sur le front de mer. Un mur d'enceinte de 25 pieds de haut, avec des tours carrées de distance en distance et un fossé de 6 à 8 mètres de profondeur, protégeait Alger.
 
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