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elle se remplit très
rapidement d'Européens coiffés du turban, s'enfla outre
mesure et devint, toujours sous le masque de l'Islamisme,
une cité de près de 100 000 âmes, toute
méditerranéenne. Elle fut Alger la Blanche, dressée en
amphithéâtre sur le bord d'une mer bleue, toute en maisons
cubiques dont les terrasses s'élevaient les unes au-dessus
des autres. Elle eut son fort de la Victoire, bâti sur
l'emplacement de la tente de Charles-Quint en témoignage
d'un des plus brillants triomphes du Croissant, ses hautes
murailles crénelées qui continuaient de défier les
assauts de la Chrétienté, ses fortins et son front de mer
hérissés de canons toujours tournés vers les ennemis de
Dieu unique, ses sept casernes de soldats toujours prêts à
mériter le paradis dans le djihad. » |
LES
TURCS ET LES POPULATIONS INDIGÈNES |
Si nous sommes bien renseignés
sur l'Alger turc, nous le sommes beaucoup moins sur
l'Algérie d'avant la conquête française, où les
Européens ne pénétraient guère et dont ils ne se
faisaient qu'une idée assez vague et assez inexacte.
Les Turcs constituaient une oligarchie militaire très peu
nombreuse et les troupes régulières avaient un très
faible effectif. C'est dans l'établissement des makhzen,
force tirée du pays même pour subjuguer le pays, que
résidait leur véritable puissance. Les tribus dites
makhzen (d'où est venu notre mot magasin) étaient des
forces de réserve dans lesquelles puisaient les Turcs et
qui les aidaient à faire la police. En général les tribus
makhzen ne payaient pas d'impôts, mais se chargeaient de le
faire payer par les autres tribus. Il y avait plusieurs
sortes de makhzen, les uns étaient pourvus d'apanages et
n'avaient qu'à recueillir les fermages de leurs dotations,
d'autres étaient seulement exempts d'impôts, d'autres
enfin n'avaient que des privilèges peu importants. Les
Zmoul (pluriel de Zmala, Smala) étaient des tribus
artificielles auxquelles le gouvernement d'Alger concédait
des terres, à charge pour elles de protéger les soldats et
les voyageurs, d'assurer la sécurité dans un cercle
assez étendu autour de leur territoire, de garder certains
passages. Leurs principaux groupes s'appelaient Konak;
c'étaient des gîtes d'étapes pour les colonnes turques,
qui ne comportaient ordinairement aucune construction, mais
des tentes. D'autres tribus du même genre étaient
appelées Douaïr ou Deïras. Ainsi une partie des tribus
garantissait la soumission de l'autre.
Aux tribus de commandement ou tribus makhzen s'opposaient
les tribus raïas, taillables et corvéables à merci. La
perception de l'impôt se faisait sans rôle et n'était
constatée, quand elle l'était, que par un simple
enregistrement. Les collecteurs de taxes, caïds et cheikhs,
se payaient sur le produit de l'impôt. Les redevances
étaient |
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