des désunions existantes. » Ils tirèrent parti du manque
d'homogénéité des populations algériennes, utilisèrent les
haines qui existaient de tribu à tribu, dans la tribu même et dans
la moindre fraction de tribu. Cette politique n'était pas
généreuse, mais elle n'était pas maladroite. Elle permettait à
quelques milliers de Turcs de dominer un pays très étendu, très
difficile et qui les détestait.
Au point de vue administratif, on distinguait le dar-es-soltane,
relevant directement du dey et comprenant les cinq villes d'Alger,
Koléa, Blida, Cherchel et Dellys, avec les districts du Sahel et de
la Mitidja. La plaine d'Alger était divisée en sept outhans, ou
districts formés chacun de plusieurs tribus ; toutes les affaires
de la plaine étaient du ressort de l'agha, dont dépendaient les
caïds et leurs khalifas, les cheikhs des douars, les cadis chargés
de rendre la justice. Pour obtenir leur nomination, les caïds
faisaient des présents à l'agha et les cheikhs au caïd; en fait,
ils achetaient leurs charges et se payaient ensuite sur le fellah.
L'usage des présents faits par l'inférieur à son supérieur,
depuis les plus humbles emplois jusqu'aux plus hautes dignités, est
profondément ancré dans les mœurs des indigènes de l'Afrique du
Nord, comme de tous les pays musulmans.
A l'origine, il y avait de nombreux grands caïds en dehors du
dar-es-soltane. Ils avaient été peu à peu supprimés et
l'autorité avait été concentrée entre les mains des trois beys
du Sud, de l'Ouest et de l'Est. Les beys étaient très puissants et
quasi indépendants; chargés de maintenir l'ordre et d'assurer le
recouvrement de l'impôt, ils commandaient les contingents
réguliers et irréguliers de la province, plaçaient des garnisons
aux points stratégiques, investissaient les caïds et les hakems,
gouverneurs des villes. Chaque beylik comprenait un certain nombre
de tribus, groupées en outhans qu'administrait un caïd turc ou
arabe; les tribus elles-mêmes étaient formées de douars, ayant à
leur tête un cheikh.
Le moins important des trois beys était celui du Titteri, qui
résidait à Médéa ; il était en fait à la discrétion du cheikh
des Ouled-Moktar, beaucoup plus puissant que lui. Le bey de l'Ouest
avait résidé à Mazouna de 1515 à 1700, à Mascara de 1700 à
1792 et s'était transporté à Oran depuis que la ville avait été
évacuée par les Espagnols. Il s'appuyait sur les Douairs et les
Smélas des environs d'Oran et sur les tribus makhzen de la vallée
du Chélif; dans le Sud dominait la grande fami le des
Ouled-Sidi-Cheikh. Le bey de Constantine était le plus puissant des
trois; quelques-uns de ceux qui ont occupé cette fonction, comme
Salah-Bey (1771-1792), font figure de princes. Autour de
Constantine, de vastes domaines ou azels, que le beylik s'était
procurés par des refoulements et des dépossessions territoriales,
étaient gérés pour son compte par des apanagistes ou des
fermiers.
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