L'arrivée de Richelieu au
pouvoir allait changer la face des affaires; c'est en grande
partie à sa puissante intervention et à son initiative
partout en éveil que les Marseillais allaient devoir la
fondation définitive des Concessions d'Afrique. Il trouva un
agent habile et énergique dans la personne de Sanson
Napoléon ou Napollon, Corse d'origine comme les Lenche.
Chargé en 1626 de négocier la paix avec la Régence,
Napollon reconnut bien vite qu'il était inutile de traiter
avec la Porte ou avec les Pachas et s'efforça de gagner les
raïs, pour lesquels il tint table ouverte. Il leur plut par
sa générosité et son audace, leur rappelant le mot
attribué à Kheir-eld-Din : " Si tu te brouilles avec
les Français, fais la paix avant le coucher du soleil, "
et cet autre proverbe de la Régence : " Le Français
peut cuire sa soupe chez lui et venir la manger chaude à
Alger. " Il acquit bientôt une situation exceptionnelle.
Revenu en France en 1627, il obtint un ordre du roi pour la
libération des Algériens esclaves, racheta les fameux canons
de Simon Dansa et rentra à Alger en 1628. Dans une assemblée
solennelle, on proclama la paix perpétuelle; les Algériens
s'engageaient à ne pas tolérer la vente des marchandises
prises sur les Français ; on s'accordait réciproquement le
droit de refuge, le Bastion devait être rétabli, ainsi que
le commerce des cuirs et des cires. Une redevance de 26 000
doubles devait être payée par la France aux Algériens; 16
000 seraient consacrés à la paye de la milice, dont Sanson
Napollon, avec beaucoup d'habileté, se faisait ainsi une
alliée.
Le traité était extrêmement avantageux pour les deux
parties. Sanson, nommé gouverneur des établissements, releva
les constructions du Bastion et créa en quelques mois un
véritable port; il installa des marchés, rappela les
corailleurs. De 1628 à 1633, les établissements eurent une
prospérité qu'ils n'avaient jamais connue, malgré les
intrigues du commerce interlope de Marseille, en particulier
des frères Fréjus ; ceux-ci accusèrent Sanson de vouloir se
rendre indépendant; on prétendit aussi qu'il était devenu
musulman et prenait les intérêts des Algériens. Mais,
après la mission de M. de l'Isle (1631), ses mérites furent
solennellement reconnus et proclamés et il continua sa
mission avec succès malgré des difficultés sans nombre. En
1633, il fut tué en voulant s'emparer de Tabarka, où les
comptoirs génois faisaient concurrence au commerce français.
La France perdait en lui un bon et fidèle serviteur. |