En 1807, de nouvelles difficultés surgirent entre la France et la
Régence. Le dey témoigna sa mauvaise humeur en donnant
momentanément aux Anglais les établissements et les pêcheries de
corail. Mais ils furent mal accueillis par les populations et leurs
tentatives de négoce échouèrent complètement.
En 1808, Napoléon était décidé à en finir une fois pour
toutes avec les Barbaresques et l'annexion de l'Afrique du Nord à
l'Empire français formait un des articles du traité secret conclu
avec la Russie. Le commandant du génie Boutin avait été envoyé
au printemps de 1808 pour lever le plan d'Alger et ses environs.
C'était une entreprise difficile et dangereuse. Boutin y réussit
malgré tous les obstacles : « J'ai parcouru, écrivait-il au
ministre de la Marine, ces parties de la ville où les chapeaux ne
se montrent pas et tout autour d'Alger j'ai dépassé de trois ou
quatre lieues les limites assignées aux Européens. »
Il séjourna du 24 mai au 17 juillet, mais on finit par trouver
sa curiosité indiscrète et on le pria de partir. Il s'embarqua
après avoir fait une abondante moisson de dessins, de croquis et de
notes. Le brick qui le ramenait à Toulon fut capturé par une
frégate anglaise ; fait prisonnier et conduit à Malte, il réussit
à s'échapper déguisé en matelot, prit passage pour
Constantinople et revint en France par terre. Il avait dû détruire
ses croquis, mais avait conservé ses notes. Elles lui permirent de
rédiger un rapport d'une exactitude remarquable, intitulé
Reconnaissance générale des villes, forts et batteries d'Alger,
pour servir au projet de descente et d'établissement définitif
dans ce pays. Il donnait sur les moyens d'attaque et de défense de
la ville de précieux renseignements, montrait l'inutilité d'une
attaque du côté de la mer, signalait comme point de débarquement
la baie de Sidi-Ferruch, déjà indiquée par de Kercy vingt-six ans
auparavant.
Les documents recueillis par Boutin furent utilisés en 1830 et
servirent à dresser les cartes qui accompagnèrent l'Aperçu de
l'état d'Alger à l'usage de l'armée expéditionnaire.
La Régence fut sauvée une fois encore par les luttes entre les
puissances européennes. Les guerres continentales et les
événements qui se succédèrent de 1808 à 1814 firent oublier à
Napoléon « Messieurs d'Alger » et permirent aux Barbaresques de
se survivre quelques années encore.
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