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L'AFFAIRE BAKRI
ET BUSNACH |
Une vieille affaire
était pendante depuis de nombreuses années et amenait des
difficultés sans cesse renaissantes. Pendant la Révolution
française, les juifs livournais Bakri et Busnach avaient
prêté leur concours dans des opérations concernant
l'importation en France des blés de Barbarie. |
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C'étaient des hommes
intelligents, spéculateurs habiles, qui avaient rendu aux
souverains de la Régence des services de toutes sortes et
avaient pris sur eux une grande influence. Tandis que
Busnach demeurait à Alger, Jacob Bakri s'était établi
d'abord à Marseille, puis à Paris. Ils avaient
complètement accaparé le commerce des blés, qu'ils
vendaient fort cher, mais en accordant tous les délais de
paiement qu'on sollicitait d'eux, délais d'ailleurs
productifs de gros intérêts. Les juifs ravitaillaient
aussi les Anglais de Gibraltar et cette raison s'accordait
avec le manque de fonds pour que le Directoire inclinât à
surseoir au règlement des créances : « En retenant les
sommes dues à ces Juifs, écrivait Delacroix le 26 avril
1797, nous les empêcherons de se distraire entièrement de
nos intérêts et nous les forcerons à plus de
circonspection dans leurs procédés obligeants avec les
Anglais.
Comme le règlement tardait trop, les juifs y
intéressèrent le dey d'une part, Talleyrand d'autre part.
Ils persuadèrent au dey, dont ils étaient eux-mêmes
débiteurs, qu'ils ne pourraient le rembourser que
lorsqu'ils seraient eux-mêmes payés et transformèrent
ainsi adroitement leurs créances particulières en
créances d'État. |
Talleyrand, qui
avait succédé à Delacroix comme ministre des Relations
extérieures, parvint à faire revenir ses collègues sur la
mauvaise opinion qu'ils avaient de cette affaire; il rappela
les services rendus par les négociants juifs à nos
armées, se plaignit de la négligence coupable du
Directoire à leur égard et demanda qu'il leur fût
témoigné la meilleure volonté possible. |
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