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des deux juifs et le versement des 7 millions, quitte aux
créanciers à se pourvoir devant lui. Il est clair que cette dette
de la France envers le dey n'était pas une dette ordinaire et que,
dans la mesure où l'argent provenait du trésor de la Régence, il
s'agissait d'une dette entre deux Etats. Mais la forme de la lettre
était trop blessante pour qu'on pût y répondre. M. de Damas,
ministre des Affaires étrangères, écrivit au consul d'apprendre
au dey que le roi n'avait pas cru pouvoir donner suite à des
prétentions contraires à la convention du 28 octobre 1819, devenue
la loi des parties.
Dès lors, les événements se précipitent et la situation se tend
de plus en plus. Le 30 avril 1827, au cours d'une audience accordée
au consul à l'occasion de la fête du Beïram, Husseïn lui demanda
pourquoi le ministre ne lui avait pas répondu. Les deux
interlocuteurs s'entretenaient en turc, sans interprète : «
Pourquoi, dit le dey, votre ministre ne m'a-t-il pas écrit
directement? Suis-je un manant, un homme de boue, un va-nu-pieds?
C'est vous qui êtes cause que je n'ai pas reçu de réponse de
votre ministre, c'est vous qui lui avez insinué de ne pas
m'écrire. Vous êtes un méchant, un infidèle, un idolâtre ». -
« Mon gouvernement ne vous écrira pas. C'est inutile. » Cette
réponse mit le dey hors de lui; il se leva, intima l'ordre au
consul de sortir et comme celui-ci ne bougeait pas, il le poussa à
trois reprises avec le manche de son chasse-mouches, en déclarant
qu'il allait le faire mettre en prison. C'est ce qu'on a appelé le
« coup d'éventail ».
On avait quelquefois toléré des insultes bien plus graves. Nos
consuls n'avaient-ils pas été mis à la bouche des canons, comme
M. Le Vacher et M. Piolle, ou emprisonnés comme M. Lemaire et M.
Moltedo ? Mais les temps étaient révolus. Au sortir de l'audience,
M. Deval alla porter ses doléances aux ministres du dey : « Il
faut, lui dirent-ils, tâcher d'empêcher que les vitres se cassent,
mais quand elles sont cassées, quel remède y a-t-il? » Deval
adressa le soir même son rapport à Paris; il déclarait avoir
été frappé sans provocation et demandait qu'on donnât à cette
affaire « la suite sévère et tout l'éclat qu'elle méritait. »
Lorsque M. de Damas lut cette dépêche au conseil des ministres,
elle produisit la plus vive indignation. On résolut de poursuivre,
même par la force, une réparation éclatante de tous les griefs de
la France, mais il fallait obtenir avant tout une satisfaction
solennelle pour l'injure faite au Roi dans la personne de son
représentant. L'intervention du consul devait faire place à celle
du commandant de l'escadre qui allait se rendre à Alger dans ce
but.
Le capitaine de vaisseau Collet, un des meilleurs officiers de la
marine française,
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