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L'ordonnance de mobilisation parut le 7 février 1830 et
l'expédition fut annoncée aux Chambres dans le discours du trône
du 2 mars : " Au milieu des graves événements dont l'Europe
était occupée, y lisait-on, j'ai dû suspendre l'effet de mon
juste ressentiment contre une puissance barbaresque, mais je ne puis
laisser plus longtemps impunie l'insulte faite à mon pavillon. La
réparation éclatante que je veux obtenir, en satisfaisant
l'honneur de la France, tournera, avec l'aide du Tout-Puissant, au
profit de la chrétienté. " Le 20 avril, le Moniteur résumait
les griefs de la France contre le dey : " A nos soldats,
disait-il, est réservée la noble mission de venger la dignité de
la Couronne et de délivrer la France et l'Europe du triple fléau
que les Puissances chrétiennes ont enduré trop longtemps :
l'esclavage de leurs sujets, les tributs que le dey exige d'elles et
la piraterie qui ôte toute sécurité aux côtes de la
Méditerranée. "
La préparation de l'expédition fut conduite avec beaucoup de
méthode et de célérité. Les vieux amiraux, timides survivants de
la marine impériale, prétendaient qu'elle exigerait six ou huit
mois; mais d'Haussez promit d'être prêt pour le 15 mai et tint
parole. Rien ne fut laissé au hasard. On réunit les forces de
terre et de mer et le matériel de guerre, on rassembla les
munitions et les vivres, on concentra les bâtiments de guerre, de
transport et de débarquement. A la fin d'avril, les troupes
étaient réunies dans leurs cantonnements aux environs de Toulon et
de Marseille. L'effectif total s'élevait à 37 600 hommes, 4 500
chevaux, 91 pièces d'artillerie.
Le commandement de la flotte fut confié à l'amiral Duperré et
celui de l'armée de terre au général de Bourmont. Les deux hommes
ne s'entendaient guère. Duperré, rude et brusque, d'humeur peu
sociable, était un excellent marin et avait fait une brillante
campagne en 1810 dans l'Inde et dans l'. le de France; ses opinions
libérales le rendaient suspect au roi et au dauphin. Il ne croyait
pas au succès de l'expédition et partageait sur ce point l'opinion
de Wellington: " Les Français sont fous, disait celui-ci, un
revers effroyable les attend sur la côte d'Algérie. "
Duperré résuma toutes ses objections dans une lettre qui était un
chef-d'œuvre de prévoyance pessimiste; il prévoyait un mois pour
un débarquement qui, en fait, ne demanda que huit heures. Ce
pessimisme de l'amiral eût peut-être compromis le succès de
l'expédition sans la fermeté du baron d'Haussez et le sang-froid
du général en chef.
L'opinion publique n'avait pas oublié que Bourmont avait abandonné
sa division avant Waterloo pour rejoindre Louis XVIII à Gand. Il
souhaitait évidemment, en prenant le commandement de l'expédition,
effacer le souvenir de cette trahison. Bourmont avait pleins
pouvoirs même sur Duperré et une ordonnance secrète
l'investissait, en cas de nécessité absolue, du commandement
suprême des forces de terre et de mer.
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