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  LES DÉBUTS ET LES HÉSITATIONS (1830-1834).  
     
   l'état-major en conclut bien à tort que la carte de Boutin était fautive et que l'armée était engagée beaucoup trop à droite. Il fit appuyer les troupes à gauche vers la Bouzaréa, à travers un pays difficile et coupé de profonds ravins; il en résulta un grand désordre dans la ligne de bataille; les colonnes s'égarèrent et se heurtèrent dans une confusion extrême, dont, fort heureusement, l'ennemi ne profita pas. Après quoi, au prix de grandes fatigues et de contremarches pénibles, on parvint à regagner les positions qu'on occupait le matin.
Le Fort-l'Empereur, que les indigènes appelaient Bordj-Moulay-Hassan ou Bordj-et-Taous (le fort des paons), devait son nom européen à ce qu'il avait été construit sur le point même où Charles-Quint avait planté sa tente en 1541, mais, pour nos soldats, l'empereur ne pouvait être que Napoléon. C'était le seul ouvrage avancé qui défendit du côté de la terre la Kasba et la ville d'Alger, dont les murailles s'étendaient en contre-bas à environ 1 200 mètres au Nord-Est, de sorte que la prise du Fort-l'Empereur rendait la défense de la ville impossible. Le Khasnadji s'y était enfermé avec 800 Turcs et 1 200 Arabes. Les troupes creusèrent des tranchées pendant quatre jours, puis, quand les travaux d'approche furent suffisamment avancés, le 4 juillet au matin, l'artillerie de siège commença le bombardement. En quelques heures, les murailles s'écroulèrent. Les Turcs montrèrent un grand courage, mais leur feu fut bientôt éteint. L'ordre de battre en brèche allait être donné lorsqu'à dix heures, une formidable explosion se produisit; des flammes, des nuages de fumée et de poussière s'élevaient jusqu'à une grande hauteur, des pierres pleuvaient dans toutes les directions. Les Turcs, avant d'abandonner le fort, avaient fait sauter la poudrière. L'explosion avait ouvert une large brèche par laquelle les troupes se précipitèrent, le fort fut occupé et mis immédiatement en état de défense.
Le dey parlait de résister encore, mais la population ne le lui permit pas. A deux heures de l'après-midi, un des secrétaires du dey, le khodja Mustapha, se présenta en parlementaire au quartier général. Puis vinrent deux Maures, Hassan-ben-Othman et Ahmed-bou-Derba, qui offrirent à Bourmont de lui apporter la tête du dey; le général répondit que cela ne lui ferait aucun plaisir et que le roi de France avait coutume de prendre les villes, non les têtes de ses ennemis. A quatre heures, le secrétaire du dey revint avec le consul d'Angleterre, M. Saint-John; celui-ci proposa sa médiation, que Bourmont refusa nettement. Le général Desprez rédigea le texte de la capitulation et le plus ancien interprète de l'armée, Bracewitz, qui avait fait la campagne d'Égypte trente-deux ans auparavant, partit avec le khodja pour la porter au dey. La remise de la capitulation donna lieu à une scène dramatique; les cris de fureur des janissaires furent tels que Bracewitz crut son dernier jour arrivé ;
 
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