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l'état-major en conclut bien à tort que la carte de Boutin était
fautive et que l'armée était engagée beaucoup trop à droite. Il
fit appuyer les troupes à gauche vers la Bouzaréa, à travers un
pays difficile et coupé de profonds ravins; il en résulta un grand
désordre dans la ligne de bataille; les colonnes s'égarèrent et
se heurtèrent dans une confusion extrême, dont, fort heureusement,
l'ennemi ne profita pas. Après quoi, au prix de grandes fatigues et
de contremarches pénibles, on parvint à regagner les positions
qu'on occupait le matin.
Le Fort-l'Empereur, que les indigènes appelaient
Bordj-Moulay-Hassan ou Bordj-et-Taous (le fort des paons), devait
son nom européen à ce qu'il avait été construit sur le point
même où Charles-Quint avait planté sa tente en 1541, mais, pour
nos soldats, l'empereur ne pouvait être que Napoléon. C'était le
seul ouvrage avancé qui défendit du côté de la terre la Kasba et
la ville d'Alger, dont les murailles s'étendaient en contre-bas à
environ 1 200 mètres au Nord-Est, de sorte que la prise du
Fort-l'Empereur rendait la défense de la ville impossible. Le
Khasnadji s'y était enfermé avec 800 Turcs et 1 200 Arabes. Les
troupes creusèrent des tranchées pendant quatre jours, puis, quand
les travaux d'approche furent suffisamment avancés, le 4 juillet au
matin, l'artillerie de siège commença le bombardement. En quelques
heures, les murailles s'écroulèrent. Les Turcs montrèrent un
grand courage, mais leur feu fut bientôt éteint. L'ordre de battre
en brèche allait être donné lorsqu'à dix heures, une formidable
explosion se produisit; des flammes, des nuages de fumée et de
poussière s'élevaient jusqu'à une grande hauteur, des pierres
pleuvaient dans toutes les directions. Les Turcs, avant d'abandonner
le fort, avaient fait sauter la poudrière. L'explosion avait ouvert
une large brèche par laquelle les troupes se précipitèrent, le
fort fut occupé et mis immédiatement en état de défense.
Le dey parlait de résister encore, mais la population ne le lui
permit pas. A deux heures de l'après-midi, un des secrétaires du
dey, le khodja Mustapha, se présenta en parlementaire au quartier
général. Puis vinrent deux Maures, Hassan-ben-Othman et
Ahmed-bou-Derba, qui offrirent à Bourmont de lui apporter la tête
du dey; le général répondit que cela ne lui ferait aucun plaisir
et que le roi de France avait coutume de prendre les villes, non les
têtes de ses ennemis. A quatre heures, le secrétaire du dey revint
avec le consul d'Angleterre, M. Saint-John; celui-ci proposa sa
médiation, que Bourmont refusa nettement. Le général Desprez
rédigea le texte de la capitulation et le plus ancien interprète
de l'armée, Bracewitz, qui avait fait la campagne d'Égypte
trente-deux ans auparavant, partit avec le khodja pour la porter au
dey. La remise de la capitulation donna lieu à une scène
dramatique; les cris de fureur des janissaires furent tels que
Bracewitz crut son dernier jour arrivé ;
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