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  LES DÉBUTS ET LES HÉSITATIONS (1830-1834).  
     
   Quelques jours après la capitulation d'Alger, le général en chef rétablit les consuls dans leurs attributions, ce qui était un acte de souveraineté. M. de Laval fut fort mal reçu lorsqu'il vint en informer le Foreign Office : « Vous n'avez pas à vous occuper de notre consul, répondit lord Aberdeen, puisqu'il est accrédité auprès du dey. » Le 26 juillet, dans une audience de congé, lord Aberdeen fit entendre à notre ambassadeur des paroles encore plus comminatoires : « Jamais, lui dit-il, la France, même au temps de la République et de l'Empire, ne nous a donné de pareils sujets de plaintes. - Mylord, répondit le duc de Laval, je ne saurais ni dire ni prévoir ce que vous pouvez espérer de la modération de la France, mais ce que je sais, c'est que vous n'en obtiendrez jamais rien par la menace. » Lord Stuart ayant, sur l'ordre de son gouvernement, communiqué une demande d'explications à Charles X, le roi lui retourna sa dépêche avec cette annotation : « Pour prendre Alger, je n'ai considéré que la dignité de la France; pour le garder ou le rendre, je ne consulterai que son intérêt. »
Le maréchal de Bourmont agit, aussitôt après la capitulation d'Alger, en homme assuré que la conquête de l'armée demeurerait acquise à la France. Il commit néanmoins, dans la courte période qui va du 5 juillet au 3 septembre 1830, des fautes assez nombreuses; il avait su tailler, il ne sut pas recoudre. Il n'y eut pas d'organisation du pays, pas de compréhension vraie de sa situation et de ses besoins. Il est juste de dire que cette carence était due en partie au contre-coup des événements qui se produisaient en France; l'incertitude sur le sort de la conquête, les divisions de l'armée, les maladies, le découragement, tout contribuait à compliquer notre tâche. Le général en chef, son chef d'état-major et l'intendant général se montrèrent tous trois incapables d'administrer convenablement la ville d'Alger.

Le premier soin de Bourmont, aussitôt que l'armée eut pris possession d'Alger, fut d'ordonner le désarmement de la milice turque. Les janissaires célibataires, au nombre de 2500, furent embarqués pour Smyrne; ceux qui étaient mariés, un millier environ, reçurent d'abord la permission de rester à Alger, mais quelques jours après, Bourmont, se croyant trahi par les Turcs, ordonna de les expulser tous, mesure qui fut exécutée d'une manière assez brutale. Les Turcs pourtant n'auraient pas mieux demandé que de nous servir; ils disaient que le roi de France avait sans doute un trésorier comme le dey et que son argent en valait un autre. Habitués à commander aux indigènes, connaissant de longue date les mobiles auxquels ils obéissaient, les rouages de leur société, ils nous auraient rendu de précieux services. Tout disparut de l'ancienne administration de la Régence; dans la Kasba, les soldats, sous les yeux de l'intendant général, allumaient leur pipe avec les papiers de l'administration. 

 
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