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Quelques jours après la capitulation d'Alger, le général en chef
rétablit les consuls dans leurs attributions, ce qui était un acte
de souveraineté. M. de Laval fut fort mal reçu lorsqu'il vint en
informer le Foreign Office : « Vous n'avez pas à vous occuper de
notre consul, répondit lord Aberdeen, puisqu'il est accrédité
auprès du dey. » Le 26 juillet, dans une audience de congé, lord
Aberdeen fit entendre à notre ambassadeur des paroles encore plus
comminatoires : « Jamais, lui dit-il, la France, même au temps de
la République et de l'Empire, ne nous a donné de pareils sujets de
plaintes. - Mylord, répondit le duc de Laval, je ne saurais ni dire
ni prévoir ce que vous pouvez espérer de la modération de la
France, mais ce que je sais, c'est que vous n'en obtiendrez jamais
rien par la menace. » Lord Stuart ayant, sur l'ordre de son
gouvernement, communiqué une demande d'explications à Charles X,
le roi lui retourna sa dépêche avec cette annotation : « Pour
prendre Alger, je n'ai considéré que la dignité de la France;
pour le garder ou le rendre, je ne consulterai que son intérêt. »
Le maréchal de Bourmont agit, aussitôt après la capitulation
d'Alger, en homme assuré que la conquête de l'armée demeurerait
acquise à la France. Il commit néanmoins, dans la courte période
qui va du 5 juillet au 3 septembre 1830, des fautes assez
nombreuses; il avait su tailler, il ne sut pas recoudre. Il n'y eut
pas d'organisation du pays, pas de compréhension vraie de sa
situation et de ses besoins. Il est juste de dire que cette carence
était due en partie au contre-coup des événements qui se
produisaient en France; l'incertitude sur le sort de la conquête,
les divisions de l'armée, les maladies, le découragement, tout
contribuait à compliquer notre tâche. Le général en chef, son
chef d'état-major et l'intendant général se montrèrent tous
trois incapables d'administrer convenablement la ville d'Alger.
Le premier soin de Bourmont, aussitôt que l'armée eut pris
possession d'Alger, fut d'ordonner le désarmement de la milice
turque. Les janissaires célibataires, au nombre de 2500, furent
embarqués pour Smyrne; ceux qui étaient mariés, un millier
environ, reçurent d'abord la permission de rester à Alger, mais
quelques jours après, Bourmont, se croyant trahi par les Turcs,
ordonna de les expulser tous, mesure qui fut exécutée d'une
manière assez brutale. Les Turcs pourtant n'auraient pas mieux
demandé que de nous servir; ils disaient que le roi de France avait
sans doute un trésorier comme le dey et que son argent en valait un
autre. Habitués à commander aux indigènes, connaissant de longue
date les mobiles auxquels ils obéissaient, les rouages de leur
société, ils nous auraient rendu de précieux services. Tout
disparut de l'ancienne administration de la Régence; dans la Kasba,
les soldats, sous les yeux de l'intendant général, allumaient leur
pipe avec les papiers de l'administration.
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