à se renseigner approximativement sur l'état des propriétés et
des revenus publics que par les déclarations plus ou moins exactes
des particuliers, et l'amin des eaux, qui connaissait seul le tracé
des aqueducs alimentant la ville d'Alger, n'opéra aucune remise de
service.
Nous donnâmes toute notre confiance aux Maures et aux Juifs. « Les
Maures sont intelligents, dit Denniée, ils deviendront pour nous
des agents actifs et d'utiles intermédiaires. Par eux ces immenses
tribus d'Arabes seront en peu de temps nos alliés et nos
pourvoyeurs. » C'était se faire beaucoup d'illusions et sur le
dévouement et sur l'influence de ces éléments de la population.
Bourmont paraît s'en être aperçu : « Je destine, disait-il, les
principaux emplois civils aux Maures; mais, dans un pays où
l'habitude d'obéir au plus fort existe, on ne peut confier
l'autorité première qu'à des gens de guerre et je me trouve ici
obligé de choisir parmi les Kabyles et les Arabes les principaux
chefs du pays, si j'en exclus les Turcs. »
Dès le 6 juillet, une Commission de gouvernement, présidée par
l'intendant général Denniée, fut constituée pour établir les
besoins et les ressources du pays, les institutions qu'il s'agissait
de modifier ou de remplacer. Cette Commission était composée du
général Tholozé, commandant la place d'Alger, du consul Alexandre
Duval, neveu de celui qu'avait jadis insulté le dey, du payeur
général Firino, de l'officier-interprète d'Aubignosc. Ce dernier,
qui avait longtemps résidé dans les pays barbaresques, fut nommé
lieutenant-général de police et devint de fait le premier chef de
l'administration algérienne. Une Commission municipale composée de
Maures et de Juifs fut chargée de renseigner la Commission de
gouvernement; elle était présidée par Ahmed-bou-Derba, homme
d'esprit fin et rusé, mais sans moralité aucune et plus tracassier
qu'habile.
Les troupes vivaient en bonne intelligence avec les habitants
d'Alger, mais le passage subit de la vie active des camps à
l'oisiveté du bivouac eut une influence fâcheuse sur la discipline
et la santé des soldats. Les maisons de campagne des environs
d'Alger furent dévastées. L'armée fut bientôt décimée par les
dysenteries et les entérites. Les infirmeries étaient encombrées.
Du 25 juin au 10 août, il y eut 9 000 entrées dans les hôpitaux.
Bourmont, qui ne se faisait aucune idée de la situation véritable
de la Régence, paraît avoir cru que la prise d'Alger amènerait la
soumission du pays tout entier « Tout le royaume d'Alger,
écrivait-il, sera probablement soumis au roi avant quinze jours
sans avoir un coup de fusil de plus à tirer. » Il pensait qu'on
pouvait sans inconvénient rappeler une des trois divisions de
l'armée d'Alger.
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