A Alger, le consul Saint-John gardait toute la confiance de son
gouvernement et ne changeait rien à son attitude: " Il est
animé à notre égard, disait le général Sébastiani, d'une
évidente malveillance, il semble se plaire à susciter des embarras
à nos généraux. " Il ne cessait de répéter aux indigènes
que notre occupation était provisoire, que l'Angleterre
s'opposerait à notre maintien en Afrique et il entretenait parmi
les musulmans le secret espoir d'une évacuation prochaine. Il
s'attachait à surveiller et à dénaturer tous les actes de
l'autorité française. La nouvelle de la révolution de Juillet et
de la désorganisation qui s'ensuivit le remplirent de joie. Il
aurait voulu que l'Angleterre profitât des circonstances pour
récolter ce que nous avions semé:
" Comme je serais heureux, écrivait-il, si vous pouviez
mettre la main sur ce pays! Je vois clairement maintenant que nous
pourrions le coloniser et que nous en tirerions d'immenses
bénéfices. La principale difficulté est de faire comprendre aux
indigènes les avantages qu'ils tireront d'un établissement
européen. Or, les Français en sont et en resteront toujours
incapables, tandis que notre caractère, qui est bien connu
jusqu'aux extrémités de la Régence, nous concilie toutes les
populations. " L'Angleterre ferma l'oreille aux insinuations de
son fougueux représentant, qui sembla se résigner, mais demeura
prêt à profiter de toutes les circonstances.
Malgré ses préoccupations européennes, malgré l'entente
cordiale, le gouvernement britannique se garda de rien dire ou faire
qui pût comporter de sa part une reconnaissance tacite de notre
occupation. Le langage des ministres français était soigneusement
surveillé. Au début de 1832, Casimir-Périer ayant déclaré que
notre occupation militaire serait maintenue à Alger, lord
Londonderry en profita pour interpeller le ministère. L'année
suivante, le maréchal Soult ayant dit " qu'il n'y avait aucun
engagement pris avec les puissances à l'égard d'Alger, que nous
pourrions faire à Alger ce que nous voudrions, que les mesures
prises par le gouvernement et les crédits militaires qu'il
demandait rendaient peu vraisemblable une évacuation du pays
", lord Grey se plaignit directement à Talleyrand, qui
recommanda la prudence. En 1834, M. Stanley, ministre des Colonies,
répondant à une interpellation de sir Robert Peel, maintenait que
l'Angleterre n'acceptait pas la prise de possession d'Alger par la
France. En 1838, lord Palmerston reparla encore des droits de la
Porte sur l'ancienne Régence et déclara que la France n'y
exerçait qu'une simple occupation militaire : " La France, on
doit le savoir, répondit le comte Molé, ne transigera jamais. La
question de nos droits sur Alger est une question jugée depuis
longtemps et sur laquelle il n'y a pas à revenir. " Palmerston
dit à notre ambassadeur qu'il ne fallait pas donner à cette
discussion plus d'importance qu'elle n'en avait :
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