L'idée était bonne, mais l'exécution fut mauvaise. L'armée fit
toutes sortes de marches et de contremarches, campant aux portes de
Blida et de Koléa sans oser entrer dans ces villes et revint à
Alger très fatiguée. Aussitôt les coupeurs de routes
recommencèrent leurs exploits et assassinèrent sur le territoire
d'El-Ouffia, entre Maison-Carrée et le Fondouk, un caïd qui
passait pour nous être dévoué. Une colonne de 4 000 hommes
organisée pour châtier les coupables ne donna aucun résultat.
De Médéa arrivaient de mauvaises nouvelles; notre bey du
Titteri, Ben-Omar, appelait au secours. Berthezène entreprit une
colonne et parvint sans encombre à Médéa. Mais, arrivé là, il
ne sut que faire ni quel parti prendre et repartit en emmenant
Ben-Omar. La retraite fut désastreuse; on perdit du monde dans la
traversée de l'Atlas et une véritable panique se mit dans
l'armée; elle ne fut sauvée que par le commandant Duvivier et ses
zouaves, qui couvrirent la retraite et montrèrent un courage
extraordinaire. Les attaques continuèrent dans la plaine et le
retour à Alger fut presque une déroute. Kabyles et Arabes nous
tinrent assiégés dans Alger, où nous étions confinés comme aux
premiers jours de la conquête.
Berthezène renonça dès lors aux expéditions, qui, disait-il,
" inquiètent les tribus et fatiguent les troupes ". Il
conclut un arrangement avec le marabout de Koléa, Sidi-Embarek,
qui, nommé agha des Arabes, reçut un traitement de 70 000 francs
et s'engagea à assurer la sécurité de la plaine à condition que
nous ne sortirions pas de la banlieue d'Alger.
A Oran, la garnison envoyée par Clauzel était complètement
oubliée. Le général Boyer, vieil Égyptien qui avait été
pendant plusieurs années au service de Méhémet-Ali, réussissait
à imposer son autorité dans la ville par des procédés assez
rudes, qui l'avaient fait surnommer Pierre-le-Cruel. Mais le reste
de la province nous échappait complètement et était en pleine
anarchie. Dans la province de Constantine, Bône, occupée pendant
quelques jours en 1830, puis abandonnée, était au pouvoir d'un
Koulougli nommé Ahmed qui nous était favorable. Berthezène y
envoya quelques zouaves avec deux officiers français, le commandant
Huder et le capitaine Bigot, mais un ancien bey nommé Ibrahim
s'empara de la Kasba et massacra les deux officiers. L'issue
malheureuse de cette affaire réveilla le souvenir de la
désastreuse expédition de Médéa et l'opinion publique réclama
impérieusement le rappel de Berthezène, dont les expéditions
avaient si complètement échoué.
Il est juste de reconnaître que Berthezène n'avait à sa
disposition que 9 000 hommes de troupes, le chiffre le plus faible
que nous ayons jamais eu en Afrique. On s'efforça par divers moyens
de suppléer à l'insuffisance des effectifs.
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