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Huder, qui n'avait pas été
atteint par la dépêche de Soult, fut très mal accueilli à
Tunis. Le bey déclara impossible d'adhérer aux conditions
nouvelles qu'on prétendait lui imposer; il pouvait accepter
pour les princes de sa famille la situation de beys
indépendants et tributaires, non celle de simples oukil
français. Hosseïn finit par dire qu'il ne voulait plus
d'aucun arrangement relatif aux deux beylicats, quels que
fussent les avantages qu'on pût lui offrir.
La question de savoir si Clauzel avait ou non outrepassé ses
pouvoirs nous laisse aujourd'hui assez indifférents. Il est
plus intéressant de se demander si les Tunisiens auraient
réussi à prendre possession de leurs gouvernements; il est
bien vrai, comme le disait Clauzel, que les Tunisiens sont les
plus civilisés des Barbaresques, mais il est vrai aussi,
comme le remarquait Berthezène, qu'ils sont les plus mauvais
soldats du Maghreb. L'affaire avait d'ailleurs été conduite
avec trop d'inexpérience pour que ce système de domination
indirecte, de protectorat, de pénétration pacifique, pût
aboutir. D'autres tentatives du même genre furent faites sous
des formes diverses, comme on le verra. Toutes échouèrent et
finalement il ne resta plus qu'à conquérir nous-mêmes le
pays.
Berthezène n'était pas en état de donner à
l'administration civile une impulsion quelque peu vigoureuse.
Facilement réduit au silence par ceux que leur position avait
familiarisés avec la phraséologie administrative, il prit
l'habitude de céder sans discussion, mais non sans rancune.
Il avait d'ailleurs de fâcheuses préventions contre la
plupart des fonctionnaires qu'avait employés son
prédécesseur, en particulier contre Fougeroux ; il les
changea pour la plupart. Le Comité de gouvernement prit
l'appellation plus modeste de Commission administrative et
chaque chef de service se mit à faire de l'administration
pour son compte, sans direction d'ensemble ni but commun.
L'application du séquestre en particulier se poursuivit dans
des conditions déplorables. Elle aurait dû avoir pour effet
de protéger les biens des absents ou des bannis et de servir
la politique française en plaçant dans la main de l'État
des richesses immobilières auxquelles il pouvait
légitimement prétendre. Mais la mainmise aussi bien que les
restitutions furent opérées sans précautions, sans
contrôle, de la manière la plus irrégulière et la plus
désordonnée. |
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LE DUC DE ROVIGO
(DÉCEMBRE 1831-MARS 1833) |
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Le 23 décembre 1831, Berthezène
était officiellement avisé qu'il allait être remplacé par
le duc de Rovigo. Le 26, il résignait le commandement entre
les mains de son successeur. L'Algérie, qui depuis un an
avait déjà eu trois chefs, Bourmont, Clauzel et Berthezène,
allait en avoir un quatrième. |
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