Le système de gouvernement du duc de Rovigo consistait à occuper
fortement les ports de la Régence et à dominer le reste du pays
par l'intermédiaire de grands chefs indigènes feudataires de la
France : " Sans la soumission de ces hommes puissants,
disait-il, il est impossible de rien obtenir des contrées qui ne
sont même qu'à quelques lieues d'Alger. Ils percevraient les
impôts et nous en donneraient une partie. Tel est le but qu'il faut
atteindre; on ne le dépassera que lorsque la France, y trouvant un
avantage, pourra imposer de nouvelles conditions à la faveur de ses
établissements coloniaux. Pendant la paix, que les feudataires
maintiendraient, la colonisation se développerait rapidement. Cette
combinaison a un autre avantage : c'est de séparer et de mettre en
rivalité deux influences remarquables, l'une temporelle, exercée
par les grands cheikhs, l'autre spirituelle, le pouvoir des
marabouts. "
Cette politique indigène était raisonnable, mais Rovigo dans
l'application fut violent, brutal, parfois même cruel et perfide.
Des indigènes auxquels un sauf-conduit en bonne forme avait été
délivré furent traduits en conseil de guerre et exécutés. S'il
fallait donner le sentiment de notre force, il convenait plus encore
de donner celui de notre loyauté. " Le caractère distinctif
du commandement et de l'administration du duc de Rovigo, écrivait
le général Brossard, est une impétuosité brusque, violente,
irréfléchie dans les paroles et incohérente dans son action,
ayant pour objet de faire prévaloir ses capricieuses volontés,
indépendamment de la nature des choses et souvent en dépit de la
raison, sans considération du juste et de l'injuste. "
Après la capitulation d'Alger, le dey Husseïn avait été
conduit à Naples. Il n'avait pas perdu tout espoir de reconquérir
son trône et noua en ce sens diverses intrigues. Il quitta bientôt
Naples pour Livourne, où il retrouvait des Juifs algériens et
tunisiens. Il obtint la permission de se rendre à Paris, où il fut
reçu en audience particulière par le roi et par Casimir-Périer;
on le fit assister à des tirs d'artillerie et il fut pendant
quelque temps l'homme à la mode. Réinstallé à Livourne, il
essaya de fréter des navires, d'acheter des armes et des munitions
et forma des projets de débarquement sur les côtes algériennes.
La surveillance des autorités françaises, en particulier du baron
de Formont, consul de France à Livourne, firent échouer tous ces
projets. Rovigo saisit des lettres adressées par l'ancien bey à
divers chefs indigènes. En 1833, Husseïn demanda à être
transporté à Alexandrie où il resta jusqu'à sa mort, survenue en
1838 ; il continua d'assaillir le gouvernement français de demandes
de pension et de restitution de ses biens, mais renonça désormais
à toute idée de complot politique. Aux tentatives plus ou moins
vagues de restauration turque et aux intrigues du dey Husseïn
semblent se relier les agitations des Maures d'Alger.
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