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  LES DÉBUTS ET LES HÉSITATIONS (1830-1834).  
     
   C'était, nous l'avons dit, une erreur absolue de s'appuyer sur cette catégorie d'indigènes, qui n'avaient eux-mêmes aucune influence, pour asseoir notre domination. " Un indigène, remarque Pellissier de Reynaud, se soumettra à un Français, parce qu'il reconnaîtra au moins en lui le droit du plus fort, mais vouloir qu'il obéisse à un citadin, à un marchand, c'est lui imposer une humiliation qu'il repoussera de toute la force de son âme. "
Rovigo paraît l'avoir compris. Et comme les Maures s'agitaient, il en expulsa deux, Bou-Derba et Hamdan, l'ancien agha nommé par Bourmont et destitué par Clauzel. Ils allèrent à Paris où ils furent accueillis et fêtés; ces pacifiques marchands de poivre furent traités comme les plus grands des fils d'Ismaël.
La région que nous occupions autour d'Alger était infime et ne s'étendait qu'à quelques kilomètres autour de la ville; elle était limitée par une ligne de blockhaus partant de la pointe Pescade et passant par la Bouzaréa, Dely-Ibrahim, le gué de Constantine, la Maison-Carrée et l'embouchure de l'Harrach. Au delà régnait le marabout de Koléa, Sidi-Embarek, nommé agha des Arabes par Berthezène. Rovigo ne voulut pas se résigner au rôle passif dont s'était contenté son prédécesseur. Se méfiant d'Embarek, non sans raison peut-être, il voulut entrer en rapports directs avec les indigènes. L'agha joua double jeu et poussa les indigènes à l'insurrection, tout en protestant qu'il avait eu la main forcée. Rovigo fit arrêter des marabouts de Koléa parents d'Embarek et imposa aux deux villes de Blida et de Koléa une contribution formidable.

Dans la province de Constantine, Bône, évacuée par Bourmont, évacuée par Berthezène, fut occupée pour la troisième fois grâce à la hardiesse d'un jeune officier nommé Yusuf, qui devait jouer par la suite un rôle important. La vie de Yusuf, telle qu'il la racontait lui-même, était un vrai conte oriental, dont certains détails sont si étranges qu'ils sont à peine croyables. Né à l'île d'Elbe en 1808, il avait été pris par des pirates en 1815 et emmené à Tunis; élevé dans le harem du bey, il avait plu à tout le monde par sa grâce, sa beauté, son esprit et sa bravoure. Une intrigue qu'il noua avec la fille du bey ayant été surprise, il réussit, avec la complicité du consul de France, Mathieu de Lesseps, à s'embarquer pour Alger, où il arriva en juin 1830. Bourmont l'attacha à son quartier général en qualité d'interprète, puis Clauzel le nomma capitaine dans le corps de cavalerie indigène qu'il venait de créer. Envoyé à Bône par Rovigo avec le capitaine d'artillerie d'Armandy, il se fait donner 25 marins par le commandant du navire qui l'avait amené, s'introduit dans la Kasba en se hissant avec des cordes, arbore le drapeau français et se maintient dans la citadelle après avoir réprimé une tentative de révolte des soldats turcs qui l'occupaient au nom du bey de Constantine et qui, après avoir voulu le massacrer, lui témoignèrent le plus absolu dévouement.

 
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