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Il ne prit pas le titre de
sultan, mais d'emir-el-moumenin, prince des croyants, ou de
khalifa du sultan du Maroc. Il envoya des présents à
Moulay-Abd-erRahman et fit faire la prière en son nom.
Abd-el-Kader est né des nécessités de la situation, de nos
indécisions, de l'anarchie dans laquelle nous laissions les
indigènes. Nous avions détruit les Turcs et nous n'avions
rien su mettre à leur place. Il se trouva que l'homme était
à la hauteur des circonstances. Il fut notre plus noble et
notre plus illustre adversaire.
Le général Boyer, à Oran, restait tranquille spectateur des
commencements du pouvoir d'Abd-el-Kader. Il ne le croyait pas
redoutable; il pensait que les tribus ne pourraient jamais
rester longtemps d'accord et voyait déjà plusieurs grands
personnages se prononcer contre le jeune chef. Il n'eut
d'ailleurs pas longtemps à le combattre, car il fut remplacé
par le général Desmichels, qui prit possession de son
commandement le 23 avril 1833. |
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LE TRAITÉ
DESMICHELS |
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Desmichels venait à Oran dans
des conditions particulières, qui expliquent les événements
ultérieurs. Il correspondait directement avec le ministre de
la Guerre, sans passer par l'intermédiaire d'Alger et du
général en chef, qui n'était d'ailleurs qu'un intérimaire,
Voirol. Comme il était facile de le prévoir, il en résulta
des froissements et des heurts. Sous Clauzel, il y avait eu
conflit entre Alger et Paris; sous Rovigo, conflit entre le
général en chef et l'intendant civil; avec Voirol et
Desmichels, il y eut conflit entre Alger et Oran. Desmichels
chercha d'abord à donner aux indigènes l'impression de notre
force. Il razzia la tribu des Gharabas, qui était venue
camper dans la plaine du Tlélat, à quelques lieues d'Oran.
Il occupa Arzew et Mostaganem et livra à Abd-el-Kader un vif
combat à Tamezouar, chez les Smélas. L'émir de son côté
avait occupé la ville de Tlemcen. Dans ses vers, il la
compare à une amie dont il aurait conquis l'affection :
" En me voyant, Tlemcen m'a donné sa main à baiser, je
l'aime comme l'enfant aime le coeur de sa mère, je l'ai tenue
par le grain de beauté qu'elle avait sur une joue; elle me
dit : donne-moi un baiser et ferme-moi la bouche avec la
tienne". L'émir ne réussit pas cependant à s'emparer
de la citadelle, le Méchouar, dont les Turcs et les
Koulouglis lui refusèrent l'entrée; il fit jeter par-dessus
les murs avec des frondes les oreilles des têtes coupées, en
attendant, dit-il, la chair de porcs que les chrétiens
devaient leur apporter.
Cependant Desmichels n'avait plus sa belle ardeur du début.
Il voyait avec découragement que les opérations militaires
demeuraient sans résultat; la disette commençait à se faire
sentir à Oran, Abd-el-Kader ayant défendu aux indigènes de
fréquenter nos marchés. |
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