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  LES DÉBUTS ET LES HÉSITATIONS (1830-1834).  
     
   " Il fut, dit un historien musulman, le principal agent de la prise du Maghreb par les Français. " De 1832 à 1843, il versa son sang à nos côtés sur tous les champs de bataille : " J'ai aidé les Français de toutes mes forces, disait-il, parce que moi, soldat, je ne puis obéir qu'à des soldats. " L'inimitié était profonde entre le jeune marabout et le vieux guerrier : " Je n'ai que deux ennemis, disait plus tard Abd-el-Kader, Satan et Mustapha-ben-Ismaïl. "

Par une singulière aberration, le général Desmichels encouragea Abd-el-Kader à lutter contre les tribus makhzen, lui fournit dans ce but des armes et des munitions. Au combat de Meharez près de Tlemcen (12 juillet 1834), l'émir remporta la victoire. Ce combat, presque ignoré des historiens français, eut aux yeux des indigènes une importance beaucoup plus grande que le traité Desmichels. Il marque pour eux la fin de la période de l'anarchie, doulet-el-mehamla, qui durait depuis la chute de la domination turque.

L'artillerie d'Oran célébra comme une victoire française le succès d'Abd-elKader et Desmichels lui fit parvenir ses félicitations. L'émir était maître désormais de tout le beylik de l'Ouest, sauf Oran, Mostaganem, Arzew et le Méchouar de Tlemcen. Il voulait passer le Chélif et fit écrire à Voirol par Sidi-Ali-el-Kalati, marabout de Miliana, qu'il allait venir pacifier la province d'Alger; Voirol répondit qu'il le croyait trop sage pour mettre en péril ses nouvelles relations avec la France en s'avançant au delà du Chélif.

Desmichels, de plus en plus aveuglé, ne parlait de rien moins que de rendre Abd-el-Kader maître de toute l'Afrique du Nord, depuis le Maroc jusqu'à Tunis. L'émir se déclarait assuré de soumettre la province d'Alger, de renverser Ahmed à Constantine, de sorte, disait-il, qu'il ne serait plus question dans la Régence de la domination exécrée des Turcs. " Abd-el-Kader, ajoutait Desmichels, devenant chef absolu des Arabes de la Régence, ne pourrait néanmoins devenir redoutable aux Français, gardiens du littoral ". " Qui pourrait dire, remarque très justement Walsin Esterhazy, combien de temps, de dépenses et de sang eussent été épargnés si, mieux instruits sur les hommes dont on pouvait tirer parti si avantageusement, sur leur solide organisation militaire, les premiers représentants de la France ne s'étaient pas obstinés d'une façon systématique et irréfléchie à repousser les anciens soutiens de la puissance turque pour tendre leurs efforts, avec un inexplicable engouement, à créer une puissance nouvelle et rivale, à donner la vie et la consistance à une nationalité qui n'existait pas et qu'on devait rendre forcément hostile à notre domination en l'aidant aussi puissamment à se constituer. " -

 
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