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Notre heure est passée,
écrivait un Koulougli, l'heure des marabouts et des bergers
est arrivée. Du jour où l'alliance des Français a fait d'Abd-el-Kader
un véritable sultan, notre perte a été certaine. "
Tout n'est pas à blâmer dans l'œuvre du général
Desmichels, qui est un essai pour gouverner les musulmans par
l'intermédiaire d'un musulman. Les Français avaient besoin
de rencontrer devant eux un pouvoir constitué. Mais il
fallait traiter avec les makhzen et les djouad, non avec un
personnage religieux dont c'était le métier et la raison
d'être de faire la guerre sainte, qui risquait de devenir une
sorte de héros national. Il fallait en outre obtenir la
reconnaissance expresse de notre souveraineté et le paiement
d'un tribut qui en eût été le signe. Le diplomate en
burnous se montra dans toute cette négociation beaucoup plus
habile et plus avisé que le général français. |
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VII |
LA COLONISATION |
C'est peu à peu qu'est née
l'idée de fonder une colonie française sur la terre
d'Afrique. Cette pensée est venue d'abord à quelques hommes
avisés, puis s'est emparée de l'opinion et a fini par
s'imposer au gouvernement. Les partisans de la colonisation
disaient qu'il y avait en Europe surpeuplement et
surproduction industrielle; ils escomptaient une émigration
de travailleurs et d'artisans qui s'attacheraient au pays
nouveau, le fertiliseraient et bientôt se suffiraient à
eux-mêmes. Les adversaires de la colonisation objectaient le
manque de terres disponibles, l'insalubrité du climat,
l'absence de travail rémunérateur pour les ouvriers, le fait
que les habitants de l'Afrique ne consommaient rien, ne
produisaient rien et que tout commerce avec l'intérieur du
continent était rendu impossible par le Sahara.
Les Français de 1830 étaient singulièrement ignorants et
inexpérimentés en matière coloniale. Nous avions jadis
montré la route aux Anglais en Amérique et aux Indes, mais
ces vieux souvenirs étaient à peu près oubliés, la
tradition était perdue. On se représentait vaguement les
colonies comme des terres à végétation luxuriante, où des
escouades de noirs travaillaient dans des plantations de canne
à sucre ou de café, destinées à enrichir en quelques
années leurs propriétaires. Les colonies, c'étaient
"les îles ", Bourbon et les Antilles; de ces pays
étranges venaient sans doute les oncles d'Amérique et les
Brésiliens d'opérette. On ne pensait pas qu'il y eût
d'autres types de colonies et on avait oublié le mot de
Lescarbot à propos du Canada : " La plus belle mine que
je sache, c'est du blé et du vin, avec la nourriture du
bétail. Qui a ceci a de l'argent ".
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