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  LES DÉBUTS ET LES HÉSITATIONS (1830-1834).  
     
  
Notre heure est passée, écrivait un Koulougli, l'heure des marabouts et des bergers est arrivée. Du jour où l'alliance des Français a fait d'Abd-el-Kader un véritable sultan, notre perte a été certaine. "
Tout n'est pas à blâmer dans l'œuvre du général Desmichels, qui est un essai pour gouverner les musulmans par l'intermédiaire d'un musulman. Les Français avaient besoin de rencontrer devant eux un pouvoir constitué. Mais il fallait traiter avec les makhzen et les djouad, non avec un personnage religieux dont c'était le métier et la raison d'être de faire la guerre sainte, qui risquait de devenir une sorte de héros national. Il fallait en outre obtenir la reconnaissance expresse de notre souveraineté et le paiement d'un tribut qui en eût été le signe. Le diplomate en burnous se montra dans toute cette négociation beaucoup plus habile et plus avisé que le général français.
 

VII

LA COLONISATION

C'est peu à peu qu'est née l'idée de fonder une colonie française sur la terre d'Afrique. Cette pensée est venue d'abord à quelques hommes avisés, puis s'est emparée de l'opinion et a fini par s'imposer au gouvernement. Les partisans de la colonisation disaient qu'il y avait en Europe surpeuplement et surproduction industrielle; ils escomptaient une émigration de travailleurs et d'artisans qui s'attacheraient au pays nouveau, le fertiliseraient et bientôt se suffiraient à eux-mêmes. Les adversaires de la colonisation objectaient le manque de terres disponibles, l'insalubrité du climat, l'absence de travail rémunérateur pour les ouvriers, le fait que les habitants de l'Afrique ne consommaient rien, ne produisaient rien et que tout commerce avec l'intérieur du continent était rendu impossible par le Sahara.
Les Français de 1830 étaient singulièrement ignorants et inexpérimentés en matière coloniale. Nous avions jadis montré la route aux Anglais en Amérique et aux Indes, mais ces vieux souvenirs étaient à peu près oubliés, la tradition était perdue. On se représentait vaguement les colonies comme des terres à végétation luxuriante, où des escouades de noirs travaillaient dans des plantations de canne à sucre ou de café, destinées à enrichir en quelques années leurs propriétaires. Les colonies, c'étaient "les îles ", Bourbon et les Antilles; de ces pays étranges venaient sans doute les oncles d'Amérique et les Brésiliens d'opérette. On ne pensait pas qu'il y eût d'autres types de colonies et on avait oublié le mot de Lescarbot à propos du Canada : " La plus belle mine que je sache, c'est du blé et du vin, avec la nourriture du bétail. Qui a ceci a de l'argent ".
 
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