Après avoir triomphé de ces fanatiques, il entra à Miliana et à
Médéa. Drouet d'Erlon accepta le fait accompli.
A Oran, le général Desmichels avait été remplacé par le
général Trézel, chef d'état-major de l'armée d'Afrique, petit
homme mince et grêle, d'une bravoure héroïque et ne craignant pas
les responsabilités. Il entra en pourparlers avec les Douairs et
les Smélas, les meilleurs cavaliers du makhzen turc, qui occupaient
la région comprise entre Oran, le Sig et Ain-Témouchent et qui
offraient de se mettre à notre service à condition que nous nous
engagions à les protéger contre Abd-el-Kader. Habitués à
collaborer avec les dominateurs du pays, ils ne demandaient pas
mieux que de jouer auprès de nous le même rôle qu'auprès de nos
prédécesseurs. L'émir, informé de ces pourparlers, somma les
Douairs de quitter les environs d'Oran pour venir s'établir dans
l'intérieur de la province; il voulait ainsi nous isoler dans des
places fortes et empêcher tout contact entre les musulmans et nous.
Les Douairs refusèrent d'obéir et Trézel prit la résolution de
les protéger contre les conséquences de ce refus. " Agir
autrement, écrivait-il au gouverneur, ce serait prendre un parti
aussi honteux pour la France que cruel pour les malheureux qui ont
imploré son appui. " Le 16 juin, Trézel vint camper au lieu
dit le Figuier (aujourd'hui Valmy), à 10 kilomètres d'Oran, et
signa avec les tribus makhzen une convention qui les plaçait sous
notre souveraineté.
" Nous voulons, dirent les Douairs, servir le gouvernement
de la France dans notre pays, lui prêter notre concours et marcher
dans les premiers rangs de son armée régulière contre
Abd-el-Kader. Nous prenons l'engagement de fournir les bestiaux et
les autres denrées nécessaires à l'approvisonnement de vos
troupes. Nous vous servirons de guides, d'informateurs et
d'éclaireurs. En échange de ces engagements, que nous garantissons
sur nos têtes, nous ne vous demandons que de respecter nos
croyances religieuses, de nous conserver nos mœurs et coutumes, de
nous exempter comme tribus makhzen de toutes les impositions, sauf
cependant celle de l'éperon qui est en usage et enfin de nous
laisser la faculté d'élire librement nos chefs. "
Comme on pouvait s'y attendre, Abd-el-Kader refusa d'accepter la
convention du Figuier : " Ma religion, dit-il, me défend de me
prêter à ce qu'un musulman soit sous la puissance d'un chrétien.
" Les hostilités recommencèrent et le 28 juin, dans les
marais de la Macta, Abd-el-Kader infligea à Trézel une grave
défaite, où nos pertes se chiffraient par 300 tués, 200 blessés,
sans compter des prisonniers et du matériel dont l'émir s'empara.
Il avait subi de son côté des pertes considérables, 2 000 de ses
meilleurs soldats avaient péri.
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