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Les conditions dans lesquelles Clauzel retrouvait l'Algérie
n'étaient plus du tout celles où il l'avait laissée en 1830. Le
système de protectorat qu'il avait tenté de pratiquer était
devenu sinon impossible, du moins très difficile. Il fallait
désormais se décider à faire la conquête de l'Algérie. "
Après la prise d'Alger, disait Rozey, 20 000 hommes auraient suffi
; après nos premières fautes, il en aurait fallu 30 000 ; après
le traité Desmichels, 40 000 ; après la Macta, 60 000. "
Clauzel résolut d'entreprendre une série d'opérations
offensives destinées à amener la soumission de l'Algérie en nous
installant sur les points stratégiques du Tell intérieur, à
Tlemcen, à Mascara, à Miliana, à Médéa, à Constantine.
" Il faut à la Régence Constantine et Tlemcen, disait-il,
comme il fallait au royaume de France Calais et Bordeaux. Tant que
les Anglais ont occupé ces deux villes, ç'a été sur notre terre
une guerre d'extermination. "
Clauzel voyait juste. Son tort fut de s'entêter dans l'exécution
de ses desseins avec des moyens qui n'y pouvaient pas suffire, parce
que le gouvernement et les Chambres les lui refusaient. Le tort des
pouvoirs publics fut qu'avisés des projets du maréchal, ils ne
surent ni s'y opposer, ni les approuver formellement; ils le
laissèrent faire, quitte à lui reprocher, en cas d'échec, d'avoir
agi sans ordres : attitude peu digne et peu loyale dont Clauzel se
plaignit avec juste raison : " Si je pressais le gouvernement
de s'expliquer, dit-il, et proposais des plans qui pouvaient
conduire à un résultat, on me répondait verbalement d'une
manière satisfaisante et par les dépêches officielles on ne
disait ni oui ni non; on acceptait avec des restrictions, des
contradictions, des doutes. Pendant ce temps, les choses se
faisaient, mais sans ensemble, sans vigueur, sans les moyens
nécessaires. Aussitôt une chose faite, au lieu de lui donner de la
suite comme je devais l'espérer, on se plaignait de ce qui avait
été fait, on me désavouait, on rappelait les troupes, on
ordonnait des réductions dans les dépenses. "
Les instructions données à Clauzel et rédigées par le
général Maison ne correspondaient guère à ses propres idées. On
lui prescrivait " de ne pas imposer à la France, pour la
conservation et l'administration de ses possessions du Nord de
l'Afrique, des sacrifices prématurés et hors de proportion avec
les avantages qu'elle en retire ou qu'elle peut raisonnablement en
espérer; de s'abstenir contre les tribus de l'extérieur de toute
expédition entreprise sans nécessité évidente; d'attendre que la
sagesse et l'activité de son administration les amènent toutes à
comprendre leur véritable intérêt et à se rapprocher de nous.
D'ailleurs, ajoutait-on, la diminution de l'effectif des troupes
d'occupation, devenue inévitable par suite de la réduction des
fonds relatifs à leur entretien, nous fait une loi d'adopter cette
marche prudente. "
Mais les bureaux de la Guerre furent bientôt, comme lors du premier
gouvernement de Clauzel, subjugués par une volonté plus forte que
la leur.
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