Clauzel voulait tout d'abord
détruire les moyens de gouvernement, de guerre et
d'organisation créés par Abd-el-Kader, puis lui opposer dans
Tlemcen un centre de résistance autour duquel se rallieraient
nos alliés. Enfin l'occupation de Rachgoun, à l'embouchure
de la Tafna, empêcherait les armes et les munitions de lui
parvenir de Tanger et de Gibraltar.
Dès le mois de novembre 1835, des troupes furent réunies à
Oran ; avec les Douairs et les Smélas, elles formaient un
corps de 11 000 hommes. Le maréchal, accompagné du duc
d'Orléans, vint en prendre le commandement; on devait marcher
sur Mascara, enlever à l'émir sa capitale et y installer un
bey relevant de la France. Abd-el-Kader avait quitté Mascara
à notre approche, emmenant la population musulmane et
laissant seulement les Juifs, au nombre de 7 à 800 ; la
ville, avant cet exode, avait été pillée et à demi
brûlée. Une pluie torrentielle avait transformé les rues en
ruisseaux; on n'avait pas de feu pour se sécher, les
détachements s'égaraient dans les ténèbres, les aboiements
furieux des chiens arabes se mêlaient aux imprécations dés
soldats. Après quarante-huit heures d'occupation, les troupes
françaises évacuèrent Mascara, où Abd-el-Kader se
réinstalla quelques jours après. L'expédition avait été
brillante mais sans profit : la chute de ce que nous appelions
la capitale de l'émir n'avait pas d'importance pour lui.
On entreprit ensuite d'aller à Tlemcen, où les Français
furent accueillis par les Koulouglis qui depuis cinq ans se
défendaient dans le Méchouar. Mustapha-ben-Ismaïl vint à
la rencontre de Clauzel. L'entrevue des deux vieux guerriers,
l'un et l'autre aussi vigoureux de corps que d'esprit, sous
les beaux oliviers qui entourent Tlemcen, fut singulièrement
émouvante : " Il y a quelques jours, dit Mustapha, j'ai
perdu soixante de mes plus braves enfants; mais en te voyant,
j'oublie mes malheurs passés; je me remets à toi et avec moi
les miens et tout ce que nous avons. Tu seras content de nous.
" Puis il prit la tête de la colonne et la guida vers la
ville; il remit à Clauzel cette place qu'il avait gardée
pour nous, sans nous et malgré nous (janvier 1836). On laissa
à Tlemcen 500 hommes sous le commandement du capitaine
Cavaignac ; une contribution de guerre, dont la perception
donna lieu à des abus assez graves, fut imposée aux
habitants; elle était destinée à payer les frais de
l'occupation et l'entretien de la garnison.
Le maréchal Clauzel proclama après ces deux expéditions
que la guerre était finie et Abd-el-Kader vaincu. |