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  L' OCCUPATION RESTREINTE (1834-1840).  
     
   Tout le reste était abandonné à l'émir, notamment Rachgoun et le camp de la Tafna, Tlemcen et le Méchouar ; son autorité était reconnue sur le Titteri. La manière très vague dont la limite de nos possessions était indiquée dans la province d'Alger prêtait à l'équivoque; ce fut, quelques années après, l'occasion de la rupture.
Le plus grave, c'est que l'on consacrait une fois de plus les prétentions de l'émir. La France pouvait entretenir auprès de lui ou dans les villes soumises à son administration des agents qui serviraient d'intermédiaires pour les contestations que nos ressortissants auraient avec les Arabes. L'émir, de son côté, bénéficiait de la même faculté dans les villes et ports français. Les instructions du gouvernement prescrivaient d'exiger des otages et un tribut annuel : d'otages il ne fut pas question; un peu de blé et d'orge, quelques milliers de bœufs une fois donnés tinrent lieu de tribut. Les erreurs et les obscurités du traité Desmichels se retrouvent dans le traité Bugeaud ; tandis que le texte français portait que l'émir reconnaissait la souveraineté de la France, le texte arabe disait seulement : " Le prince des fidèles sait que le sultan est grand. "
Le traité de la Tafna eut un triste épilogue : l'affaire Brossard. Un général français fut accusé et convaincu d'avoir trempé dans les intrigues compliquées du Juif Ben-Durand et d'avoir participé aux bénéfices réalisés par celui-ci. Bugeaud lui-même, qui avait demandé 100 000 boudjous (180 000 francs) pour les chemins vicinaux de la Dordogne, en sortit quelque peu éclaboussé.

Aussitôt la convention signée, un aide-de-camp fut envoyé pour en porter le texte à Paris; Bugeaud adressa en même temps plusieurs dépêches pour expliquer les motifs qui l'avaient déterminé à le conclure; le principal était de donner satisfaction à la Chambre. Damrémont raisonnait autrement; selon lui, l'émir devenait souverain indépendant, puisqu'il ne paierait point de tribut et accréditerait des agents auprès de nos autorités. Le traité équivalait en fait à l'abandon de l'Algérie. Désavouer Bugeaud eût créé des difficultés, le rappeler eût suscité des embarras politiques; le gouvernement accepta le fait accompli.
Deux jours après la signature de la convention, le 1er juin, eut lieu une entrevue entre Bugeaud et Abd-el-Kader. Bugeaud en a fait le récit dans une lettre au comte Molé et dans un discours à la Chambre des députés. L'entrevue terminée, comme l'émir demeurait assis, Bugeaud lui dit : " Quand un général français se lève devant toi, tu dois te lever aussi. " Et, joignant le geste à la parole, il lui prit la main et l'obligea à se lever. C'est la seule fois que les deux hommes se soient rencontrés.
Le traité de la Tafna, réédition aggravée du traité de 1834, faisait d'Abd-el Kader le souverain des deux tiers de l'Algérie.

 
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