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  L' OCCUPATION RESTREINTE (1834-1840).  
     
   Lorsqu'elle se présenta devant Constantine, elle fut reçue à coups de canon. Ahmed avait quitté la ville, mais son lieutenant Ben-Aïssa y était resté; tout était prêt pour la résistance.

La position de Constantine est formidable. La ville occupe la surface d'un rocher entouré sur trois faces par un ravin, véritable abîme de 30 à 60 mètres de profondeur, dans lequel roule et gronde le Rummel ; on ne peut l'approcher que du côté de l'Ouest, où une langue de terre, le Koudiat-Aty, rattache le rocher au reste du pays. Avec les faibles moyens dont on disposait, des munitions et des vivres en quantité insuffisante, il ne fallait pas songer à un siège en règle. Le mauvais état des routes ne permettant pas de conduire des canons jusqu'au Koudiat-Aty, on les installa sur le plateau de Mansoura et on ouvrit le feu contre la porte d'El-Kantara, à laquelle aboutissait un pont jeté sur le Rummel. L'attaque tentée de ce côté ayant échoué, le maréchal Clauzel ordonna la retraite.

A peine le mouvement s'est-il dessiné que les indigènes sortent en foule de la ville; d'autres accourent de tous les points de l'horizon; 6 000 d'entre eux se jettent sur l'arrière-garde, massacrant les malades et les blessés. L'héroïsme de Chan garnier, qui fit former le carré à ses 300 hommes du 2e léger et chargea l'ennemi à la baïonnette, ralentit la poursuite. Le vieux duc de Caraman donna son cheval à un blessé et fit la route à pied. Clauzel montra une remarquable fermeté; veillant à tout, se portant sur les points menacés, relevant les courages par sa tranquille vaillance. Le 1er décembre, l'armée rentra à Bône; elle avait perdu un millier d'hommes, le huitième de l'effectif engagé, moins par le feu de l'ennemi que par les maladies; elle avait été vaincue par le froid, la faim et la fatigue. C'était en réduction l'équivalent de la retraite de Russie. " Il faut, dit le général Donop, avoir fait campagne dans ce pays par les mauvais temps d'hiver, à 700, 800 ou 1 000 mètres d'attitude, sans autre feu au bivouac que ceux des petits fagots dont on a eu le soin de se munir; sans autres vivres que ceux du sac, parce que le convoi n'a pas pu suivre, tenant de la main sa tente que le vent déchire ou abat, ou courant après les chevaux qui s'enfuient affolés, pour comprendre les souffrances que les pauvres troupes, à demi ruinées au moment de se battre, subirent sur le plateau aride de Mansoura. Et il faut avoir vu le plateau de Constantine dans la mauvaise saison pour comprendre aussi l'impression que dut causer à ces troupes la vue étonnante, tragique, presque sinistre, de ce rocher à pic que surmontait un amas confus de maisons et de murailles crénelées, qu'un ravin profond et un torrent déchaîné entouraient et séparaient presque complètement de la campagne nue, désolée et des montagnes abruptes, tandis que sous un ciel bas, gris et triste, des rafales de neige glacée leur fouettaient le visage. "

 
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