Ces idées de Bugeaud étaient en
désaccord avec les résolutions prises par le ministère
Molé ; le système de l'occupation restreinte et du progrès
pacifique l'emportait une fois de plus. C'est ce dont
témoignent les instructions données au général Damrémont,
appelé le 12 février 1837 à la succession du maréchal
Clauzel :
"Le but que le gouvernement se propose, y était-il dit,
n'est pas la domination absolue ni l'occupation effective de
la Régence. Ce que la France a surtout en vue, c'est son
établissement maritime, c'est la sécurité et l'extension de
son commerce, c'est l'accroissement de son influence dans la
Méditerranée. La guerre est un obstacle à tous ces
résultats. Le gouvernement ne l'accepte que comme une
nécessité dont il désire, dont il croit pouvoir hâter le
terme. La France a surtout intérêt à être maîtresse du
littoral. Les principaux points à occuper sont Alger, Oran et
Bône avec leurs territoires. Le reste doit être abandonné
à des chefs indigènes. La pacification est désormais
l'objet principal à atteindre. La guerre n'est que le moyen
de l'obtenir aux conditions les plus avantageuses, moyen
auquel il ne faut avoir recours qu'à la dernière
extrémité. "
Pour l'application de ce programme, on essaya de traiter
avec Abd-el-Kader dans l'Ouest, avec Ahmed dans l'Est. La
première négociation, confiée à Bugeaud, aboutit, comme on
l'a vu, au traité de la Tafna. La seconde fut menée par
Damrémont, qui prit pour intermédiaires les deux Juifs
Ben-Bajou et Busnach. La France se serait réservé la
banlieue de Bône et de la Calle ; dans le reste de la
province, elle aurait en un droit de suzeraineté, affirmé
par le paiement d'un tribut annuel. Ahmed ne s'expliquait pas
pourquoi on lui faisait des conditions moins avantageuses
qu'à Abd-el-Kader. |