L'œuvre essentielle du maréchal Valée fut l'organisation de la
province de Constantine, où il appliqua les méthodes
d'administration indigène qui furent par la suite étendues à
toute l'Algérie. Au début, il avait songé à retirer la garnison
de Constantine; conserver indéfiniment des troupes dans cette
ville, disait-il, ce serait étendre démesurément notre système
d'occupation dans la province de Bône. Il chercha donc, comme le
lui suggérait d'ailleurs le comte Molé, soit à négocier avec
Ahmed, soit à placer à Constantine un prince de la famille
tunisienne, l'une et l'autre solution ayant l'avantage d'opposer
l'influence turque à celle d'Abd-el-Kader. Mais peu à peu ses
idées sur ce point se modifièrent.
Le 31 janvier 1838, Molé lui demandait : " Votre opinion
sur Constantine est-elle que nous devions l'occuper définitivement
et chercher à tirer de cette occupation le meilleur parti pour le
commerce et le développement de notre colonie, ou n'êtes-vous pas
revenu à votre première idée de remettre Constantine à un prince
indigène qui relèverait de la France et lui paierait tribut?
" - " Cette combinaison, répondit Valée, qui me
paraissait la meilleure le lendemain de la prise de Constantine,
n'est plus applicable aujourd'hui. L'abandon d'un territoire que
nous avons organisé produirait sur les Arabes un effet fâcheux,
notre établissement en Afrique leur paraîtrait plus précaire
encore. Il ne faut pas oublier que beaucoup d'individus se sont
compromis en se joignant à nous; les abandonner ce serait nous
déshonorer. "
A diverses reprises cependant, au cours de l'année 1838, on
essaya encore de négocier avec Ahmed. Dans les premiers jours de
mars, Ben-Aïssa était arrivé à Alger et avait fait sa
soumission; il prétendait qu'Ahmed était prêt à donner des
garanties; par son alliance avec les Ben-Gara, il tiendrait le Sud
de la province, tandis que lui, Ben-Aïssa, maîtriserait les
Kabyles de l'Oued-el-Kébir à la Seybouse. Puis Ahmed s'adressa
directement au gouverneur général. Mais il apparut bientôt que
l'on ne pouvait rendre à l'ex-bey son ancienne capitale, ni lui
abandonner le territoire entre Constantine et la mer. Il n'en fut
plus question. L'occupation de Constantine prit un caractère
définitif; les généraux de Négrier et Galbois, par une série
d'expéditions bien conduites, obtinrent la soumission d'un certain
nombre de tribus. Quant à Ahmed, il mena jusqu'en 1848 une vie
errante; il fit alors sa soumission à la France et vint mourir à
Alger; avec lui disparut le dernier représentant de la domination
turque en Algérie.
Les arrêtés du 30 septembre et du ter novembre 1838, qui ont
laissé des traces durables dans l'histoire de l'Algérie et qui ont
été le point de départ de nos relations avec les grandes familles
indigènes, posaient les principes de l'organisation de la province
de Constantine.
|