La France se réservait l'administration directe des deux
subdivisions de Constantine et de Bône. Le territoire de la
subdivision de Bône était divisé en quatre cercles : ceux de
Bône, de la Calle, de Guelma et de l'Edough. A la tête de chaque
cercle, un officier supérieur français réunissait tous les
pouvoirs, militaires, civils et judiciaires. Il était prévu que
des arrêtés du gouverneur pourraient placer graduellement
certaines parties du territoire sous l'autorité de fonctionnaires
civils et sous la juridiction des tribunaux.
Le reste de la province était confié à de grands chefs indigènes
placés sous l'autorité du commandant supérieur de ladite
province. Ils se réunissaient sous sa présidence en un conseil
d'administration; ils étaient chargés de la perception des
impôts, dont ils conservaient une part comme traitement; des
cavaliers leur servaient de garde particulière, en même temps
qu'ils étaient chargés d'assurer la tranquillité du pays; ils
nommaient eux-mêmes les cheikhs et présentaient les candidats aux
fonctions de caïd.
Il y eut six grands commandements, aux titulaires desquels on
conserva leurs anciens titres; ce furent le Cheikh-el-Arab,
commandant la région de Biskra ; les caïds des Haractas et des
Hanenchas, grandes confédérations de la frontière tunisienne;
les khalifas du Sahel, entre l'Edough et Djidjelli, du Ferdjioua, au
Nord-Ouest de Constantine, de la Medjana entre Sétif et les Portes
de Fer. Les plus considérables de ces commandements étaient celui
du Cheikh-el-Arab, que Valée confia à Farhat-ben-Saïd, remplacé
en 1840 par Bou-Aziz-ben-Gana, et celui de la Medjana, dont
l'investiture fut donnée à Mokrani.
Ces grands chefs étaient des vassaux plutôt que des
fonctionnaires. Il y avait, entre la France et les khalifas, une
sorte de contrat synallagmatique; ils étaient les "
lieutenants " du général commandant la province, assimilés
à des généraux de brigade, ayant dans leur commandement les
honneurs attribués aux khalifas sous le gouvernement des beys.
La solution adoptée par Valée se justifiait par le fait que la
métropole demeurait toujours attachée à l'occupation restreinte
et refusait aux généraux les moyens d'action nécessaires; il
fallait donc recourir à des procédés pratiques et peu
dispendieux. Ce que nous recherchions alors, ce n'était ni des
administrateurs, ni des fonctionnaires : c'était des alliés
puissants et influents, des gens dont le nom, les antécédents, la
situation familiale nous fissent accepter par les populations. A ces
alliés, qui venaient nous offrir des pays que nous ne connaissions
pas et dans lesquels on ne nous avait jamais vus, nous ne pouvions
demander autre chose qu'un concours politique et militaire.
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