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  L' OCCUPATION RESTREINTE (1834-1840).  
     
  
En fractionnant le pouvoir entre plusieurs chefs, Valée cherchait à éviter la faute commise dans l'Ouest par le traité de la Tafna, qui avait démesurément grandi Abd-el-Kader. C'était, en somme, l'idée du protectorat qui reparaissait sous une autre forme; faute d'une famille royale ou d'un prince, on s'adressait à des chefs multiples pour gouverner le pays par leur intermédiaire.
Le pouvoir des grands chefs ne pouvait se maintenir indéfiniment; il était fatalement appelé à s'amoindrir et à disparaître le jour où nous prendrions nous-mêmes en main l'administration des indigènes. Cette disparition ne se produisit pas sans secousses et il était difficile qu'il en fût autrement. Le jour où il fallut sacrifier cette aristocratie, elle ne se résigna pas sans peine à son amoindrissement : "Ce que vous faites est juste devant Dieu, disait l'un d'eux, car nous sommes tous fils d'Adam, mais vous nous sacrifiez, nous autres djouad, qui vous avions aidé à mettre de l'ordre dans ce pays. Ainsi, malgré tous nos efforts, malgré tout notre sang répandu à votre service, nous ne laisserons pas à nos enfants la considération, la horma que nous avaient laissée nos pères. "

III

ABD-EL-KADER ET SON GOUVERNEMENT. L'HOMME ET L'ŒUVRE

 
Après le traité de la Tafna, il y eut, jusqu'à la proclamation de la guerre sainte par Abd-el-Kader, deux ans et demi de paix relative entre la France et l'émir (30 mai 1837-20 novembre 1839). C'est pendant cette période que notre adver­saire montra véritablement du génie dans ses essais pour créer un État, le pourvoir de ses organes, fonder une armée régulière, étendre son autorité, détruire ses ennemis, grouper autour de lui tous les indigènes. C'est à ce moment qu'il faut se placer pour étudier l'homme et son oeuvre.
Abd-el-Kader nous est connu par de nombreux documents émanant des Européens qui l'ont approché à des titres divers, consuls comme Daumas, Français à son service comme Léon Roches, prisonniers comme le lieutenant de vaisseau Alby. Lui-même a beaucoup écrit. Il avait les qualités qui en imposent aux indigènes. Il était élégant et beau, orateur remarquable, très courageux, le plus vaillant, le plus habile des cavaliers de sa tribu. Il était cruel ou généreux suivant le besoin, bienveillant ou sévère par calcul.
En 1837, Abd-el-Kader a vingt-neuf ans. Léon Roches, Alby, Berbrugger, de Lacroix, Scott nous ont tracé son portrait. Il était de petite taille, ses pieds et ses mains étaient d'une finesse et d'une blancheur extrêmes.
 
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