La perception de l'impôt a
toujours donné lieu dans les pays musulmans à de
sérieuses difficultés. L'impôt n'y est en principe qu'une
aumône régularisée, une obligation de caractère
religieux qui s'est transformée peu à peu en une
obligation politique: « Vous paierez chaque année la zaka,
dit le Coran, le produit en sera appliqué aux pauvres et
aux nécessiteux, à ceux qui sont chargés de défendre
votre pays; elle servira au rachat des esclaves, au soutien
des voyageurs. » Comme les gouvernements en général
n'observent guère les règles imposées par le Prophète
pour la répartition de l'impôt, les musulmans en prennent
prétexte pour s'y soustraire. Abd-el-Kader s'efforça de
rendre aux contributions leur caractère purement religieux
et leur donna comme destination la guerre sainte contre les
infidèles. Dans les premiers temps, les indigènes s'y
soumirent, mais bientôt elles leur devinrent odieuses et
ils se refusèrent à les payer. Le trésor public d'Abd-el-Kader
était alimenté en premier lieu par l'achour, dîme
des céréales, perçue en nature; les grains étaient
versés dans les silos de l'État ; ils servaient à
l'approvisionnement des colonnes expéditionnaires et à
l'ensemencement des terres de l'État ou des laboureurs
pauvres; pendant la paix, une partie était vendue à Arzew,
Ténès et Cherchel et utilisée en achats d'armes et de
munitions. La zekkat ou zaka, impôt sur les
troupeaux, était perçue soit en nature, soit en argent;
les chevaux en étaient exemptés. A ces deux impôts se
joignaient la maouna, contribution extraordinaire en
argent pour l'entretien de l'armée, les kheltia,
amendes collectives imposées aux tribus qui avaient commis
quelque faute, le halk-el-burnous, droit
d'investiture, les revenus domaniaux, le produit des
razzias. Le produit total est naturellement assez difficile
à évaluer; à certains moments, il y eut peut-être deux
millions et demi dans les caisses, qui en temps de paix se
trouvaient à Takdempt, en temps de guerre dans une tente
voisine de celle d'Abdel-Kader. La frappe de la monnaie
étant un des attributs de la souveraineté, l'émir fit
venir d'Alger le Maure qui était chargé de ce service du
temps des Turcs. L'unité monétaire était le boudjou ou
réal (1 franc 35) ; le douro-bou-medfa ou
piastre forte valait 4 boudjous. Les monnaies divisionnaires
était le roba (un tiers du boudjou), la mouzouna
(7 centimes), la nousfia (3 centimes et demi).
Cette organisation financière, meilleure que celle des
Turcs, était encore bien imparfaite; la lutte continuait,
en dépit des efforts de l'émir, entre les exactions des
collecteurs et les ruses des contribuables. |