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  L' OCCUPATION RESTREINTE (1834-1840).  
     
  

L 'ORGANISATION FINANCIÈRE

 
La perception de l'impôt a toujours donné lieu dans les pays musulmans à de sérieuses difficultés. L'impôt n'y est en principe qu'une aumône régularisée, une obligation de caractère religieux qui s'est transformée peu à peu en une obligation politique: « Vous paierez chaque année la zaka, dit le Coran, le produit en sera appliqué aux pauvres et aux nécessiteux, à ceux qui sont chargés de défendre votre pays; elle servira au rachat des esclaves, au soutien des voyageurs. » Comme les gouvernements en général n'observent guère les règles imposées par le Prophète pour la répartition de l'impôt, les musulmans en prennent prétexte pour s'y soustraire. Abd-el-Kader s'efforça de rendre aux contributions leur caractère purement religieux et leur donna comme destination la guerre sainte contre les infidèles. Dans les premiers temps, les indigènes s'y soumirent, mais bientôt elles leur devinrent odieuses et ils se refusèrent à les payer. Le trésor public d'Abd-el-Kader était alimenté en premier lieu par l'achour, dîme des céréales, perçue en nature; les grains étaient versés dans les silos de l'État ; ils servaient à l'approvisionnement des colonnes expéditionnaires et à l'ensemencement des terres de l'État ou des laboureurs pauvres; pendant la paix, une partie était vendue à Arzew, Ténès et Cherchel et utilisée en achats d'armes et de munitions. La zekkat ou zaka, impôt sur les troupeaux, était perçue soit en nature, soit en argent; les chevaux en étaient exemptés. A ces deux impôts se joignaient la maouna, contribution extraordinaire en argent pour l'entretien de l'armée, les kheltia, amendes collectives imposées aux tribus qui avaient commis quelque faute, le halk-el-burnous, droit d'investiture, les revenus domaniaux, le produit des razzias. Le produit total est naturellement assez difficile à évaluer; à certains moments, il y eut peut-être deux millions et demi dans les caisses, qui en temps de paix se trouvaient à Takdempt, en temps de guerre dans une tente voisine de celle d'Abd­el-Kader. La frappe de la monnaie étant un des attributs de la souveraineté, l'émir fit venir d'Alger le Maure qui était chargé de ce service du temps des Turcs. L'unité monétaire était le boudjou ou réal (1 franc 35) ; le douro-bou-medfa ou piastre forte valait 4 boudjous. Les monnaies divisionnaires était le roba (un tiers du boudjou), la mouzouna (7 centimes), la nousfia (3 centimes et demi).

Cette organisation financière, meilleure que celle des Turcs, était encore bien imparfaite; la lutte continuait, en dépit des efforts de l'émir, entre les exactions des collecteurs et les ruses des contribuables.

 
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