Sa mission était pénible et
même dangereuse, car, si les chefs étaient corrects, la
populace manifestait sa haine et son mépris à l'envoyé
des chrétiens.
Daumas, rappelé à Oran quand la rupture devint imminente,
avait parfaitement prévu que la paix avec l'émir ne
pouvait être durable et indiqué combien les bases de son
pouvoir étaient fragiles.
Les aventuriers et les renégats ont toujours joué un
certain rôle dans les pays musulmans et en particulier en
Algérie, comme on l'a vu en ce qui concerne l'époque
turque. D'un côté, les musulmans sont impuissants à
s'organiser, ignorent l'art de l'ingénieur, ne savent pas
tenir une comptabilité. D'autre part, certains hommes,
gênés par l'étroite discipline des sociétés modernes,
attirés par l'islam, rêvent de vivre les contes des
Mille-et-une-Nuits, d'avoir à profusion des chevaux et des
femmes. La réalité est en général bien différente et
leur vaut beaucoup de désillusions.
Parmi ces hommes, que séduisait une sorte de mirage
romantique, le plus intéressant de ceux qui entrèrent au
service d'Abd-el-Kader fut Léon Roches. Il a raconté
lui-même ses aventures, non sans les embellir quelque peu.
Appelé à Alger en 1832 par son père, qui avait été
attaché à l'intendance lors de l'expédition d'Alger, il
prit, après la paix de la Tafna, la résolution d'aller
rejoindre Abd-el-Kader, pour lequel il avait conçu une vive
admiration et se fit passer pour musulman. Mal accueilli au
début et considéré comme un espion, il devint bientôt le
secrétaire de l'émir et l'accompagna dans ses
déplacements. Il finit cependant par le quitter et Bugeaud
en fit son collaborateur. |