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Les déserteurs, méprisés des
musulmans, menaient une existence misérable; on leur
prodiguait l'insulte et la menace. Parmi les plus notables
fut le chasseur d'Afrique Moussel, qui prétendait avoir
été poussé à la désertion par les brutalités d'un
adjudant; s'étant trouvé en sa présence dans un combat,
il le décapita et le mutila; lui-même fut plus tard repris
et passé par les armes. Le chasseur d'Afrique Dumoulin, dit
Abdallah, finit sa carrière au Maroc; Gestringer, dit
Hamidou, de Munich, tout à fait islamisé, fut instructeur
de l'infanterie de l'émir. Hulsen, dit Mustapha, Javal, dit
Abdallah, d'autres encore, pour la plupart déserteurs de la
Légion ou du bataillon d'Afrique, traînèrent une
existence misérable. En somme, sauf Léon Roches, les
éléments européens dont disposait Abd-el-Kader étaient
des plus médiocres; il ne pouvait d'ailleurs pas les
employer à son gré, en raison des jalousies et des haines
de son entourage.
L'habitude de faire des prisonniers était inconnue des
indigènes avant Abd-el-Kader ; quiconque tombait aux mains
de l'ennemi était décapité et mutilé. L'émir entreprit
de réagir et supprima, au grand mécontentement des
indigènes, l'usage de payer les têtes : « Combien
donnes-tu pour un prisonnier. - Huit douros. - Et pour une
tête coupée? - Vingt-cinq coups de bâton sur la plante
des pieds. » Les prisonniers étaient bien traités
lorsqu'ils étaient auprès de l'émir, mais, lorsque
celui-ci s'éloignait, on leur infligeait toutes sortes de
vexations; c'est en son absence qu'eut lieu le massacre des
prisonniers de Sidi-Brahim. Les aventures romanesques et
merveilleuses des prisonniers de l'émir ont été
racontées dans divers ouvrages et sans doute embellies et
dramatisées. Virginie Lanternier, fille d'un colon de
Dely-Ibrahim, capturée et emmenée au Maroc, y devint la
femme du sultan SidiMohammed. |
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LES PROGRÈS
D'ABD-EL-KADER
DE 1837 A 1839 |
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Ainsi, de 1837 à 1839,
Abd-el-Kader a fait de remarquables efforts pour organiser
son administration et surtout son armée. S'il ne réussit
pas à créer un royaume arabe, c'est que la période de
paix fut trop courte et qu'il rencontra trop d'obstacles de
tous genres chez les indigènes. La rupture était
d'ailleurs inévitable entre la France et lui. Les
difficultés commencèrent dès le lendemain de la signature
du traité de la Tafna, en raison des erreurs et des
obscurités de rédaction qui le rendaient inexécutable. Le
maréchal Valée, après la prise de Constantine, avait
demandé au ministère comment il fallait interpréter
l'article 2 du traité d'après lequel la France se
réservait « la plaine de la Mitidja bornée à l'Est
jusqu'à l'Oued-Keddara et au delà ». |
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