On lui répondit que, par ces mots, il fallait entendre tout ce qui,
dans la province d'Alger, était au delà de l'Oued-Keddara jusqu'à
la province de Constantine. Mais Abd-el-Kader n'admettait nullement
cette interprétation; il prétendait que le traité ne nous
permettait pas de nous étendre à l'Est de la Mitidja.
Nous ne pouvions cependant nous interdire les communications entre
Constantine et Alger. Valée demanda un remaniement du traité.
Abd-el-Kader évita toute réponse catégorique; il était
parfaitement informé de ce qui se passait à Paris, où on
caressait la chimère de conserver seulement une zone étroite
voisine du littoral, d'y installer la colonisation et de gagner peu
à peu par le commerce et les relations pacifiques la masse des
populations indigènes. L'émir adressa au roi Louis-Philippe des
lettres savamment composées, dans lesquelles il protestait de son
amour pour la paix, se posant en prince éclairé et en propagateur
de notre civilisation. Il écrivit à M. Thiers et au maréchal
Gérard. Ces lettres demeurèrent sans réponse.
La paix que voulait maintenir l'émir était une paix armée,
dans laquelle grandissaient tous les jours à nos dépens son
prestige et sa puissance. En ce qui concernait l'interprétation
du traité de la Tafna, il trancha la difficulté en prenant
possession du territoire contesté. Il intervint d'abord dans le
Titteri, où une ligue s'était formée contre lui; victorieux de
son adversaire Ben-Aouda-el-Mokhtari, il le nomma, par un coup de
politique habile, agha du pays qui venait de se soumettre et s'en
fit un serviteur dévoué. Puis il attaqua les Koulouglis, qui
habitaient les bords de l'Oued-Zitoun, affluent de l'Isser, et qui
s'étaient soumis à l'autorité française; sa vengeance fut
terrible contre ces musulmans qui avaient pactisé avec les
infidèles. A la nouvelle de cette agression, Valée envoya au
Fondouk d'abord le directeur des affaires arabes, Pellissier de
Reynaud, puis une brigade commandée par le général Bernelle pour
surveiller les mouvements de l'émir. Mais, de part et d'autre, on
résolut de ne pas pousser les choses à l'extrême.
Abd-el-Kader cependant mettait le temps à profit, notamment dans
la province de Constantine. Il prétendit que la Medjana et le Zab
ne faisaient pas partie de l'ancien beylik, que c'étaient des pays
vassaux soumis à des chefs héréditaires et qu'en conséquence il
ne lui était pas interdit d'y intervenir. Comme pour les limites de
la Mitidja, il trancha la question en marchant sur Biskra, d'où il
chassa l'ancien bey Ahmed et où il investit Farhat-ben-Saïd.
Aïn-Mahdi, ksar situé à 30 kilomètres à l'Ouest de Laghouat, au
pied du DjebelAmour, était le centre de la confrérie religieuse
des Tidjaniya, rivale de celle des Kadriya à laquelle appartenait
Abd-el-Kader.
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