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On pourrait citer encore Saint-Guilhem à l'Arba, de Montaigu aux
Beni-Moussa, Lapeyrière à Boukandoura.
Sauf dans les environs immédiats d'Alger, où s'élevaient des
maisons de plaisance mauresques, d'ailleurs dévastées par la
guerre, il n'existait aucune construction. Il fallait délimiter la
propriété, construire un mur d'enceinte, édifier une maison de
maître, des abris pour les ouvriers, des hangars, des écuries,
capter des sources, drainer, assainir, défricher. Il n'y avait pas
de routes, pas de ponts, pas de moyens de communication d'aucune
sorte; aller à Alger vendre son blé était une véritable
expédition; à chaque ravin, on déchargeait la voiture et il
fallait quatre jours pour franchir la distance de 40 kilomètres qui
sépare Blida d'Alger. Surtout, l'insalubrité était grande dans la
Mitidja, faute de travaux de dessèchement et l'insécurité
n'était pas moins redoutable.
Le maréchal Clauzel, dans son second comme dans son premier
gouvernement, s'efforça d'encourager la colonisation. Il y avait à
Boufarik un camp permanent comportant des baraquements pour 1 500
hommes et des écuries pour 600 chevaux. Des cantiniers et des
petits marchands s'étaient groupés à proximité et une ambulance
destinée au traitement des indigènes y avait été élevée par
les soins du baron de Vialar et confiée au docteur Pouzin. Un appel
avait été adressé par lui en France pour une souscription. La
sueur de M. de Vialar, fondatrice et supérieure des sueurs de
Saint-Joseph-de-l'Apparition, vint soigner les malades, accompagnée
de trois autres religieuses.
Par un arrêté du 27 septembre 1 836, Clauzel décida de
distribuer à Boufarik des lots de terre de 4 hectares moyennant une
redevance annuelle de 2 francs par hectare. Au printemps de 1837, il
y avait déjà à Médina-Clauzel, comme on appelait le nouveau
centre, 150 personnes et 500 en octobre. Boufarik, aujourd'hui
florissant et magnifique, devait passer par de cruelles épreuves.
Pendant cinq ans, il fallut chaque jour lutter avec les indigènes;
les vols, les incendies, les assassinats étaient continuels.
Surtout, dans cette localité entourée de marais et de fondrières,
la fièvre et la dysenterie firent de terribles ravages. Il mourait
un cinquième et quelquefois un tiers des colons tous les ans. La
population se renouvela entièrement trois fois en quelques années
et l'expression " une figure de Boufarik " était devenue
proverbiale en Algérie pour désigner les paludéens. L'histoire de
Boufarik pendant dix ans est un véritable nécrologe.
Grands et petits colons ont prospéré dans des conditions
absolument anormales et ont accompli une oeuvre magnifique. Aussi le
général Dubourg s'indignait-il lorsqu'il lisait que les Français
ne savaient pas coloniser : " Cette maxime, s'écriait-il, est
fausse jusqu'à l'absurdité. "
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