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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
   On lui donna les moyens militaires indispensables qu'on avait refusés à d'autres et notamment à Clauzel. L'effectif des troupes, qui n'était que de 18 000 hommes en 1831, de 31 000 hommes en 1835, de 48 000 hommes en 1838, passe à 63 000 hommes en 1840, 83 000 hommes en 1842, 90 000 hommes en 1844, 108 000 hommes en 1846. C'était le tiers de l'armée française de cette époque. Qui veut la fin veut les moyens.
Bugeaud n'était pas un nouveau venu en Afrique. Des premiers séjours qu'il y avait faits en 1836 et en 1837, il avait rapporté une impression peu favorable; il était le signataire du traité de la Tafna et, à la tribune de la Chambre des députés, il s'était montré à diverses reprises l'adversaire de la colonie. Mais ses idées s'étaient modifiées : "Il faut, écrivait-il à un ami dès 1839, soumettre tout le pays jusqu'au désert et y implanter de nombreuses et robustes colonies; en un mot, il faut 100 000 hommes de troupes et 150 millions pendant cinq ou six ans, 80 millions pour l'armée, 60 ou 70 pour la colonisation; sans cela, on ne fera que végéter misérablement et honteusement. " Dans son discours de mai 1840, il expliqua qu'en réalité il était hostile non à l'Algérie, mais aux demi-mesures, à l'occupation limitée et sans résultats, aux opérations militaires sans envergure : " Puisque mon pays est en Afrique, disait-il, je désire qu'il ne s'y débatte pas dans l'impuissance. " Peut-être aussi la conquête de l'Algérie lui paraissait-elle utile et possible dès l'instant que c'était lui qui était chargé de l'effectuer.

Le gouvernement fit publier un avis ainsi conçu : " Le général Bugeaud ne tardera pas à partir pour l'Algérie. On ne doit pas inférer de sa nomination que l'occupation sera restreinte; la campagne qui doit s'ouvrir au printemps prouvera le contraire. " Le jour même de l'arrivée du gouverneur, deux proclamations furent affichées sur les murs d'Alger; l'une était adressée aux habitants : " A la tribune comme dans l'exercice de mon commandement en Afrique, disait Bugeaud, j'ai fait des efforts pour détourner mon pays de s'engager dans la conquête absolue de l'Algérie. Ma voix n'était pas assez puissante pour arrêter un élan qui est peut-être l'ouvrage du destin. Le pays s'est engagé, je dois le suivre. J'ai accepté la grande et belle mission de l'aider à accomplir son œuvre, j'y consacre désormais tout ce que la nature m'a donné d'activité, de dévouement, de résolution. Il faut que les Arabes soient soumis, que le drapeau de la France soit seul debout sur cette terre d'Afrique. Mais la guerre, indispensable aujourd'hui, n'est pas le but. La conquête serait stérile sans la colonisation. Je serai donc colonisateur ardent, car j'attache moins de gloire à vaincre dans les combats qu'à fonder quelque chose d'utilement durable pour la France. " La seconde proclamation était adressée à l'armée : " Vous avez souvent vaincu les Arabes, vous les vaincrez encore; mais c'est peu de les faire fuir, il faut les soumettre.

 
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