Il fut un des premiers officiers
de zouaves comme un des premiers officiers de bureau arabe. Il
se distingua à l'assaut de Constantine, puis poursuivit sa
carrière africaine dans la province d'Oran, jusqu'au moment
où l'émir se rendit à lui. Ce petit homme brun, trapu, avec
sa tunique ouverte, son pantalon large, sa chéchia, sa canne
qui l'avait fait surnommer par les indigènes Bou-Araoua,
sans épée, sans épaulettes, est une des figures les plus
populaires de la conquête de l'Algérie.
Pendant les longues marches, il fumait constamment des
cigares et le spahi qui le suivait avait été surnommé le
porte-cigares de La Moricière. Bien qu'il eût une façon
rude de conduire la guerre et ménageât ses hommes moins que
Bugeaud, il plaisait aux troupes par son entrain et sa bonne
humeur. Il était souvent en difficultés avec Bugeaud, qui
lui reprochait d'être discuteur, ergoteur et trop enclin à
l'indépendance. Beaucoup plus cultivé que son chef, il
représentait un type d'officier plus moderne ; il ménageait
la presse, dans laquelle il avait des amis.
Un autre collaborateur de Bugeaud fut Bedeau, un des chefs
les plus complets qu'il soit possible de rencontrer. D'une
probité intransigeante, simple, sage, modeste, intelligent,
dévoué par-dessus tout au bien public, c'était une sorte de
puritain, fanatique de l'idée du devoir, dur à lui-même et
aux autres. Ennemi de tout luxe, à un capitaine qui emportait
une petite table, il fit un jour de vives remontrances,
parlant de l'armée de Darius perdue par son opulence
asiatique. Il soutint un jour, additionnant les avantages de
la retraite, des indemnités aux blessés, des hôpitaux, que
les officiers étaient grassement payés. Bedeau, qui se
distingua à la prise de Constantine, à la bataille d'Isly,
en Kabylie, est surtout l'homme de la province de Constantine,
comme La Moricière est l'homme de la province d'Oran. |