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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
   Il s'entendait très mal avec Bugeaud, qui se plaignait des aspérités de son caractère altier et orgueilleux. Une des altercations entre les deux hommes est demeurée célèbre; comme Changarnier déclarait qu'il faisait la guerre depuis longtemps et croyait savoir son métier, Bugeaud lui répondit que le mulet du maréchal de Saxe avait fait vingt campagnes et n'en était pas moins resté un mulet. Aussi, en 1843, ayant reçu sa troisième étoile, Changarnier demanda à rentrer en France et ne revint en Afrique qu'en 1847, après le départ du maréchal.

Bugeaud cependant rendait justice à Changarnier : " Que de fois, raconte le duc d'Aumale, l'ai-je entendu établir un parallèle entre ses lieutenants, en faisant ce geste - il tenait écartés les trois doigts de la main. Le premier, disait-il en prenant le pouce de l'autre main et en le secouant durant sa démonstration, c'est Changarnier, méchant caractère, mauvais coucheur, mais rude soldat, le plus fort, le meilleur de tous mes généraux. Ensuite vient Bedeau, et en même temps il abaissait son pouce; c'était son index qui représentait le second général. Celui-là est un homme de devoir et de conscience, solide et qui ne bronche pas au feu. Puis enfin arrive La Moricière, faisait-il en touchant le médium; il est vaillant, infatigable, débrouillard sans doute, mais doctrinaire ; il discute sans cesse, ergote, hésite et n'aime pas les responsabilités; enfin, c'est mon numéro trois. "

En sous-ordre venaient des officiers plus jeunes qui étaient déjà des chefs remarquables et devaient presque tous devenir d'illustres généraux. Cavaignac, élève de l'école Polytechnique comme La Moricière, d'opinion républicaine, était l'homme du devoir et de la probité, le cœur le plus droit et le plus loyal; on ne lui reprochait que son sombre accueil, son aspect triste et sévère, sa constante tristesse. Il était en Algérie depuis 1833. " A d'autres les occasions de gloire facile, les colonnes d'assaut à conduire, les positions à enlever, les coups de main brillants à diriger, à Cavaignac les besognes plus pénibles et moins fécondes en renommée éclatante. " Il fut promu lieutenant général en 1843 sur l'insistance du duc d'Aumale " Il faut le nommer, disait le prince, autrement on aurait l'air de lui donner de mauvaise grâce les grades que tout le monde sait qu'il a gagnés. " Duvivier, brave, intelligent, honnête, mais homme à systèmes, rude, cassant, prétentieux, venu en Algérie en 1830 comme capitaine du génie, avait commandé les zouaves et était devenu maréchal de camp en 1840 ; dans ses écrits sur l'Algérie, il procède par affirmations tranchantes et semble toujours énoncer des vérités éternelles, indiscutables, comme une sorte de prophète. Le jeune duc d'Aumale, quatrième fils de Louis-Philippe, était venu en Algérie en 1840 avec son frère le duc d'Orléans; il y revint en 1841 comme colonel du 24e de ligne, pour servir sous les ordres de Bugeaud : " je vous prie, écrivait-il au gouverneur, de ne m'épargner ni fatigues, ni quoi que ce soit.

 
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