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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
   " Ce sont les jambes de nos soldats qui nous donneront le pays, disait-il; le fusil ne commande que deux à trois cents mètres, les jambes quarante à cinquante lieues. "

Déjà, en 1838, au camp de la Tafna, il avait exposé ses idées sur la guerre d'Afrique. Aussitôt arrivé, il ordonna d'embarquer les canons de campagne, les prolonges du génie, les chariots de l'administration, enfin de ne garder que les chevaux de trait pour les transformer en bêtes de somme, voulant, disait-il, se rendre sinon aussi léger que les indigènes, du moins assez mobile pour passer partout. Les officiers supérieurs lui firent remarquer que l'artillerie soutenait le moral des soldats et éloignait les Arabes de nos colonnes : " Messieurs, répondit Bugeaud, vous dites que les soldats sentent relever leur confiance par l'artillerie; je connais depuis longtemps ce sentiment en Europe et il est bien fondé, mais il faut leur apprendre qu'il ne l'est pas du tout en Afrique. Quoi! vous ne pourrez pas combattre sans canon des Arabes qui n'en n'ont pas, lorsque vous possédez déjà de plus qu'eux trois avantages énormes : l'organisation, la discipline et la tactique? Vous dites que le canon éloigne les Arabes : mais je ne veux pas les éloigner, je veux au contraire leur donner de la confiance, afin de les engager dans un combat sérieux. L'absence de canon, messieurs, a bien d'autres avantages. D'abord, vos marches vous prendront moitié moins de temps et vous donneront infiniment moins de fatigues, car vous n'aurez pas besoin, comme par le passé, de faire une route pour l'artillerie. Mais surtout vous pourrez éviter de donner nécessairement, fatalement dans les guêpiers que les Arabes savent si bien disposer dans les gorges où votre matériel vous forcera de passer. Or, je vous en préviens, nous ne ferons jamais retraite devant les Arabes qu'après les avoir complètement dispersés et dégoûtés. Se retirer devant eux, c'est leur donner les avantages que leur refuse leur manque d'organisation. En marchant à eux au contraire, vous augmentez la confusion et surtout vous frappez le moral. On court toujours sur l'ennemi qui fuit; on respecte celui qui présente le combat; on craint celui qui présente l'offensive. Ces vérités trouvent leur application en Afrique encore mieux qu'en Europe. Là, il faut nécessairement s'en aller devant un ennemi très supérieur, car tenir serait courir à sa destruction. Au contraire, quel que soit le nombre des Arabes, il faut marcher à eux, parce que le nombre, passé un certain chiffre, n'ajoute rien à leur force, parce qu'il leur est impossible d'enfoncer un bataillon, parce qu'enfin ils n'ont aucun moyen d'utiliser leur multitude contre des adversaires qui ne fuient pas devant eux. "

Dans un Mémoire sur la guerre dans la province d'Oran et sur les moyens de la terminer, Bugeaud résumait les idées que lui avait suggérées la campagne de la Tafna et insistait sur les modifications nécessaires des méthodes de guerre en Afrique :

 
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