Souvent, il plaçait lui-même les
sentinelles, pour montrer combien il était important de se
bien garder; parfois, il faisait déshabiller les hommes pour
s'assurer qu'ils avaient bien leur ceinture de flanelle, si
utile pour les préserver de la dysenterie. Ses circulaires
sur les soins à donner aux soldats, en particulier aux
recrues, sont d'une touchante minutie. Les officiers
supérieurs trouvaient qu'il manquait de tenue et de dignité;
mais les soldats lui savaient gré de s'occuper de ces
détails.
Bien qu'il fût de nature peu tendre, il veillait avec le
plus grand soin au bien-être des troupiers ; il y voyait avec
raison un élément essentiel de succès; il leur choisissait
de bons bivouacs à l'ombre, avec une eau abondante si
possible ; il leur évitait les tracasseries inutiles, en
homme qui avait lui-même mangé la gamelle et porté le sac.
Malgré son âpreté d'humeur, dont ses lieutenants eurent
souvent à souffrir, il se fit une réelle popularité
militaire. Le " père Bugeaud " et sa casquette fut
pour l'armée d'Afrique ce qu'avait été pour la grande
Armée le " petit caporal ".
Les colonnes mobiles telles que les organisa Bugeaud
n'eurent plus de canons ni de prolonges; elles comprirent
ordinairement 3 ou 4 bataillons d'infanterie, 2 escadrons de
cavalerie, 2 obusiers de montagne, un convoi de bêtes de
somme, au total environ 6 000 hommes et 1200 chevaux. L'ordre
de marche était le suivant : la cavalerie, l'infanterie,
l'artillerie, le convoi, le troupeau et une solide
arrière-garde. Le campement formait un carré, l'infanterie
sur les quatre faces, le reste au centre. |