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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
  
Changarnier, dans ses mémoires, indique bien pourquoi la cruelle nécessité de la razzia s'imposait : " Si, dans une guerre d'Europe, on peut contraindre un adversaire à traiter quand, après avoir gagné sur lui une ou deux batailles, on occupe sa capitale, on saisit les caisses publiques, on frappe des contributions, on interrompt tout commerce, nous ne pouvons employer les mêmes moyens contre les Arabes; nous devons nous attaquer à la fortune mobilière et aux récoltes des tribus pour les contraindre à se soumettre. Une civilisation meilleure donnée à ces belles contrées doit être notre justification aux yeux des hommes et le sera, je l'espère, aux yeux de Dieu. "
La prise de possession de l'Algérie n'a donc été nullement une pénétration pacifique, mais une conquête, une rude et dure conquête, on ne saurait l'oublier. Ce qu'on ignore généralement en France et ce qu'il faut que l'on sache, c'est que les souvenirs des luttes que ces populations ont soutenues contre nous comptent parmi ceux qu'aujourd'hui encore les indigènes évoquent le plus volontiers. Ce serait bien mal les connaître que de leur prêter sur ce point nos idées européennes et pacifistes. Hommes de poudre, soldats avant tout, ils sont fiers de s'être battus héroïquement contre nous d'abord, puis plus tard à nos côtés dans les guerres coloniales ou européennes. Les noms de Bugeaud, de La Moricière, de Margueritte, de Mac-Mahon leur sont restés aussi chers qu'à nous-mêmes. Ainsi nos pères les Gaulois honoraient la mémoire de Jules César.
 

II

LA TACTIQUE D'ABD-EL-KADER

 

Bugeaud trouva un adversaire digne de lui dans le petit marabout de Mascara dont les Français avaient fait un sultan des Arabes. Jamais les indigènes de l'Afrique n'avaient eu un chef aussi actif, aussi intelligent ; ils reconnaissaient l'éminente supériorité de l'émir, admiraient sa sévérité et sa simplicité, sa piété et son éloquence. De là l'acharnement et la longueur de la lutte qu'il soutint contre nous.
Au commencement de 1841, Abd-el-Kader était maître de toute la province d'Oran, d'une bonne partie de la province d'Alger et conservait des partisans en Kabylie et dans la province de Constantine. Il avait un trésor de guerre évalué à 1 500 000 francs. Ses forces régulières comprenaient 8 000 hommes d'infanterie, 2 000 cavaliers, 240 artilleurs, 20 pièces de campagne en bon état. Les tribus lui fournissaient pour la guerre sainte des contingents de cavaliers irréguliers et de goumiers s'élevant à 50 000 hommes, plus ou moins suivant le cas. Mais toute sa force était dans ses réguliers.

 
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