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Elle était disposée en un grand losange avançant par un de ses
angles; les 18 bataillons d'infanterie formaient autant de petits
carrés, avec une compagnie sur chaque face et une compagnie de
soutien au milieu. La Moricière commandait en second ; les colonels
Cavaignac, Pélissier, Gachet commandaient l'infanterie, les
colonels Tartan, Morris, Yusuf la cavalerie. La rencontre eut lieu
le 14 août 1844 sur les bords de l'Oued-Isly, à trois kilomètres
au Nord-Ouest d'Oudjda. L'immense cavalerie marocaine, s'ébranlant
au galop, essaya de déborder l'armée française en assaillant les
flancs et la queue de la colonne, mais l'infanterie reçut la charge
avec une solidité inébranlable et répondit par des feux de salve.
L'ennemi s'arrêta et tourbillonna. Le grand losange toujours fermé
reprit sa marche et s'ouvrit pour laisser passer la cavalerie. Yusuf
à gauche avec les spahis balaya tout ce qui se trouvait devant lui
et s'élança sur le camp marocain; 5 escadrons de chasseurs vinrent
le soutenir. Sur la droite, le colonel Morris se trouvait engagé
avec 550 chasseurs au milieu de 6 000 cavaliers; il ne recula pas,
lança ses escadrons l'un après l'autre et soutenu par 3
bataillons, eut finalement l'avantage. A midi, la bataille était
gagnée; elle avait été peu meurtrière même pour l'ennemi, qui
laissa 800 morts. Les Français avaient 28 tués et 100 blessés,
mais l'armée marocaine avait perdu la tente et le parasol de
Sidi-Mohammed,18 drapeaux, 11 pièces de canon; elle avait surtout
perdu sa jactance.
Pendant que le maréchal Bugeaud remportait cette brillante
victoire, le prince de Joinville opérait contre les villes de la
côte marocaine. Avec une escadre de 12 vaisseaux, il avait
bombardé Tanger le 6 août, puis s'était porté sur Mogador, où
il rencontra une résistance plus vive; mais des compagnies de
débarquement s'emparèrent de l'île qui couvre le port et la ville
elle-même fut occupée.
Bugeaud songeait à marcher sur Fès : " On peut y aller,
écrivait-il au prince de Joinville, avec 20 000 hommes
d'infanterie, 3 régiments de cavalerie d'Afrique, une vingtaine de
bouches à feu bien approvisionnées et des moyens suffisants pour
transporter des vivres pour un mois. " Mais les considérations
de politique générale et les engagements pris vis-à-vis de
l'Angleterre ne permettaient pas de donner suite à ce projet. A ce
moment, la célèbre affaire Pritchard et les incidents de Tahiti
mettaient en danger l'entente cordiale, à laquelle Guizot était
très attaché. Lord Aberdeen déclara que l'occupation d'un point
quelconque du territoire marocain deviendrait nécessairement un
casus belli. Il fut convenu que nous ne demanderions ni indemnités,
ni cessions territoriales.
Le Maroc ayant sollicité la paix, les négociations furent
rapidement menées. Le traité de Tanger (10 septembre 1844) fut une
simple reproduction de l'ultimatum ; le sultan s'engageait à
interner Abd-el-Kader dans une ville du littoral occidental de son
empire au cas où il tomberait entre ses mains.
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