|
La délimitation de la frontière
devait faire l'objet d'une convention spéciale, qui fut
signée à Lalla-Marnia le 18 mars 1845. Il était entendu que
nous réclamerions seulement la frontière de l'ancienne
Régence, mais il était impossible de déterminer cette
frontière, qui variait suivant les hasards de la fortune et
des combats. L'idée même de frontière est parfaitement
étrangère aux musulmans; comme le remarque M. Jules Cambon,
c'est dans le Coran, qui ne parle pas de patrie, qu'est pour
eux renfermée toute la loi. On ne traça de limite qu'entre
la mer et le Teniet-es-Sassi, sur une distance de 150
kilomètres. Au delà de ce point, la convention indiquait les
tribus et ksours appartenant soit à la France, soit au Maroc;
on laissa au Maroc l'oasis de Figuig, qui commande la route du
Touat. Au Sud de l'Atlas Saharien, on déclara toute
délimitation superflue, le pays étant inhabitable : "
Le Sahara n'est à personne, " dit le texte. Nous fûmes
trompés sur beaucoup de points; toutes les questions
litigieuses furent réglées à notre désavantage et la
rédaction même de la convention témoignait d'une ignorance
absolue des hommes et des choses. Nous tenions avant tout à
obtenir la reconnaissance de notre souveraineté sur les
musulmans algériens et le désaveu d'Abd-el-Kader par le
Maroc; il n'était pas facile d'obtenir du sultan-chérif
cette reconnaissance et ce désaveu. Les défectuosités du
tracé de la frontière, qui coupait en deux les tribus et
n'opposait aucun obstacle aux incursions des maraudeurs,
entraînèrent par la suite d'incessantes difficultés avec
l'empire chérifien; mais, à vrai dire, ces difficultés,
inhérentes au voisinage d'un pays barbare, habité par des
nomades pillards, ne pouvaient manquer de se produire; elles
n'ont pas encore pris fin aujourd'hui et ne cesseront que le
jour où la France aura achevé la pacification du Maroc. |
|
LA DERNIÈRE PHASE
DE LA LUTTE |
|
Après la bataille d'Isly, qui
est l'épisode le plus populaire et le plus brillant de la
conquête de l'Algérie, la lutte entre Bugeaud et
Abd-el-Kader change de caractère. " Les résultats
généraux, disait Bugeaud à la tribune de la Chambre le 24
janvier 1845, vous les connaissez. Vous savez qu'Abd-el-Kader
a été successivement chassé de l'édifice de granit qu'il
avait créé; cet édifice, nous l'avons démoli pierre à
pierre. Nous avons soumis les tribus une à une. Nous avons
rejeté Abd-el-Kader dans l'intérieur du Maroc, ce qui ne
veut pas dire qu'il ne reviendra pas. Je crois même pouvoir
vous prévenir qu'il reviendra. Il ne reviendra pas dangereux,
mais tracassier, et voilà pourquoi il faut que nous restions
forts et vigilants. "
Abd-el-Kader en effet n'est plus qu'un chef de partisans, qui
agit par coups de main. Cependant les difficultés restent
grandes. |
|
|