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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
  
Aux yeux des musulmans zélés, l'émir n'a rien perdu de son prestige; grandi par ses malheurs et sa constance, il est une prédication vivante de la guerre sainte. " Que veux-tu donc faire de nous? lui disent les indigènes; la poudre a dévoré nos braves; nos femmes, nos enfants, nos vieillards, tu les sèmes dans le désert. Regarde derrière toi; la traînée des cadavres t'indiquera le chemin que tu as parcouru. - De quoi vous plaignez-vous? répond Abd-el-Kader, tous ces êtres que vous aimez ne sont-ils pas en paradis?" Avec une personnalité aussi forte et un tel caractère, un adversaire ne cesse jamais d'être à craindre, même quand la fortune l'abandonne.
 

BOU-MAZA. L'INSURRECTION DU DAHRA

 
De part et d'autre, les hostilités, dans cette dernière phase de la lutte, prennent une âpreté, une férocité même qu'elles n'avaient pas eues jusqu'alors. L'agitation qui avait secoué l'Algérie tout entière était d'ailleurs loin d'être calmée. De toutes parts des mouvements maraboutiques se produisent indépendamment les uns et les autres. A Bel-Abbès, des Derkaoua essaient de surprendre le poste. A Tlemcen, un chérif prétend s'emparer de la ville avec une bande de fanatiques; d'après les promesses de leur chef, ils n'ont même pas besoin d'armes : la terre doit engloutir les Français à leur approche. Le plus important de ces mouvements maraboutiques fut celui qui eut pour chef Mohammed-ben-Abdallah, surnommé Bou-Maza, l'homme à la chèvre; il fut le premier de ces chérifs qui ont surgi périodiquement dans tous les coins de l'Algérie, fanatiques furibonds ou imposteurs grossiers, dont la foule crédule acclame les divagations et les jongleries.
Bou-Maza était chérif idrissite ; il avait vingt cinq ans. " Ce n'est pas un homme ordinaire, dit Saint-Arnaud; il y a en lui beaucoup d'intelligence, dans un cadre d'exaltation et de fanatisme". On vit bientôt en lui le vengeur messianique, le " maître de l'heure " qui devait balayer l'infidèle et faire triompher l'islam; le sultan du Maroc correspondait avec lui et de tous côtés on lui envoyait des offrandes et des soldats; il parcourait les tribus, promettant aux combattants tantôt l'invulnérabilité, tantôt les joies du paradis. L'insurrection s'étendit bientôt à toute la région montagneuse du Dahra ; quoique battus par Saint-Arnaud à Aïn-Meran, les révoltés attaquèrent nos postes, soulevèrent l'Ouarsenis ; Bugeaud vint lui-même faire campagne et de nombreuses colonnes parcoururent les régions où l'agitation s'était propagée.
Le gouverneur laissa au colonel Pélissier le soin de désarmer les populations qui avaient pris part à la révolte. Pélissier ne trouva de résistance que chez les Ouled-Riah, qui s'étaient réfugiés dans les grottes de Nekmaria ; après les avoir vainement sommés de se rendre,
 
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