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Aux yeux des musulmans zélés,
l'émir n'a rien perdu de son prestige; grandi par ses
malheurs et sa constance, il est une prédication vivante de
la guerre sainte. " Que veux-tu donc faire de nous? lui
disent les indigènes; la poudre a dévoré nos braves; nos
femmes, nos enfants, nos vieillards, tu les sèmes dans le
désert. Regarde derrière toi; la traînée des cadavres
t'indiquera le chemin que tu as parcouru. - De quoi vous
plaignez-vous? répond Abd-el-Kader, tous ces êtres que vous
aimez ne sont-ils pas en paradis?" Avec une personnalité
aussi forte et un tel caractère, un adversaire ne cesse
jamais d'être à craindre, même quand la fortune
l'abandonne. |
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BOU-MAZA. L'INSURRECTION
DU DAHRA |
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De part et d'autre, les
hostilités, dans cette dernière phase de la lutte, prennent
une âpreté, une férocité même qu'elles n'avaient pas eues
jusqu'alors. L'agitation qui avait secoué l'Algérie tout
entière était d'ailleurs loin d'être calmée. De toutes
parts des mouvements maraboutiques se produisent
indépendamment les uns et les autres. A Bel-Abbès, des
Derkaoua essaient de surprendre le poste. A Tlemcen, un
chérif prétend s'emparer de la ville avec une bande de
fanatiques; d'après les promesses de leur chef, ils n'ont
même pas besoin d'armes : la terre doit engloutir les
Français à leur approche. Le plus important de ces
mouvements maraboutiques fut celui qui eut pour chef
Mohammed-ben-Abdallah, surnommé Bou-Maza, l'homme à la
chèvre; il fut le premier de ces chérifs qui ont surgi
périodiquement dans tous les coins de l'Algérie, fanatiques
furibonds ou imposteurs grossiers, dont la foule crédule
acclame les divagations et les jongleries.
Bou-Maza était chérif idrissite ; il avait vingt cinq ans.
" Ce n'est pas un homme ordinaire, dit Saint-Arnaud; il y
a en lui beaucoup d'intelligence, dans un cadre d'exaltation
et de fanatisme". On vit bientôt en lui le vengeur
messianique, le " maître de l'heure " qui devait
balayer l'infidèle et faire triompher l'islam; le sultan du
Maroc correspondait avec lui et de tous côtés on lui
envoyait des offrandes et des soldats; il parcourait les
tribus, promettant aux combattants tantôt
l'invulnérabilité, tantôt les joies du paradis.
L'insurrection s'étendit bientôt à toute la région
montagneuse du Dahra ; quoique battus par Saint-Arnaud à
Aïn-Meran, les révoltés attaquèrent nos postes,
soulevèrent l'Ouarsenis ; Bugeaud vint lui-même faire
campagne et de nombreuses colonnes parcoururent les régions
où l'agitation s'était propagée.
Le gouverneur laissa au colonel Pélissier le soin de
désarmer les populations qui avaient pris part à la
révolte. Pélissier ne trouva de résistance que chez les
Ouled-Riah, qui s'étaient réfugiés dans les grottes de
Nekmaria ; après les avoir vainement sommés de se rendre, |
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