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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
  
il fit allumer de grands feux à l'entrée des cavernes ; 500 personnes, hommes, femmes et enfants, périrent asphyxiées : " Terrible mais indispensable résolution ! écrivait Saint-Arnaud. Pélissier a employé tous les moyens, tous les raisonnements, toutes les sommations. Il a dû agir avec vigueur. J'aurais été à sa place, j'aurais fait de même, mais j'aime mieux que ce lot lui soit tombé qu'à moi. " Ce triste incident, grossi par des polémiques passionnées, fit grand bruit en France. Bugeaud couvrit son subordonné, qui n'avait fait qu'exécuter ses ordres. Soult eut une attitude assez embarrassée; on lui rappela qu'à la bataille d'Austerlitz, il avait fait briser par le canon la glace des étangs sur lesquels fuyaient 12 000 hommes. Les cruautés des insurgés envers nos prisonniers et nos blessés, les atroces mutilations qu'ils faisaient subir à nos morts ne disposaient pas nos soldats à l'indulgence.

SIDI-BRAHIM

 
Abd-el-Kader n'avait pas pris l'initiative de l'insurrection du Dahra, mais, avec son habileté ordinaire, il chercha à en tirer parti. Il était d'ailleurs, en 1845 comme en 1839, débordé par la surexcitation populaire et forcé d'agir avant l'heure qu'il s'était fixée. Il tenta une incursion dans la vallée de la Tafna, où plusieurs tribus se soulevèrent à son approche. Le colonel de Montagnac, officier très instruit et très brave, mais fougueux, violent et aventureux, commandait le poste de Djemaâ-Ghazouat (Nemours), très isolé dans les montagnes des Traras et dont Bugeaud reprochait la création à La Moricière : " Vous autres messieurs, qui sortez du génie, vous avez le génie des fortifications, mais vous n'avez pas le génie de la guerre. J'évacuerai ce poste, c'est un boulet qui nous est accroché à la jambe. " Les instructions données à Montagnac lui prescrivaient d'être prudent et de ne pas s'aventurer hors de la place. Il n'en tint pas compte et sortit le 21 septembre avec 430 hommes, talonné sans doute par le désir de prendre Abd-el-Kader. Le 23, laissant une partie de son monde au bivouac près du marabout de Sidi-Brahim, il se trouva bientôt en présence de l'émir, qui avait 5 à 6 000 hommes autour de lui. La petite colonne, affaiblie encore par un fractionnement malheureux, fut complètement écrasée. Montagnac fut tué un des premiers. Le capitaine de Géraux, retranché avec une compagnie à Sidi-Brahim, subit trois attaques furieuses; les soldats à l'unanimité refusèrent de se rendre et tinrent bon jusqu'au 26; n'ayant plus ni eau, ni vivres, et n'étant pas secourus, ils essayèrent de s'ouvrir un chemin vers Djemaâ-Ghazaouat ; tous périrent, sauf 16 hommes et 96 prisonniers qui tombèrent aux mains de l'émir : " Pour moi, disait un des survivants en 1892, durant quinze ans, à peu près toutes les nuits, je revivais quelques-uns des épisodes de ce terrible combat et aujourd'hui, après quarante-sept ans, le souvenir m'en reste aussi présent qu'au premier jour. "
 
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