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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
   Suivant Pellissier de Reynaud, historien bien informé et impartial, le duc d'Aumale, pendant sa courte administration, montra beaucoup de zèle et d'intelligence et lorsqu'il partit, il s'était déjà occupé d'une foule de questions dont en principe la solution, qui est arrivée beaucoup plus tard, avait été entrevue par lui. Des conférences dans lesquelles furent traitées d'importantes questions militaires, politiques et administratives eurent lieu entre le gouverneur et ses lieutenants. Le duc d'Aumale avait arrêté pour le printemps de 1848 une expédition en Kabylie qui eût constitué l'achèvement définitif de la conquête. Il s'était préoccupé d'obtenir, par le cantonnement équitable et graduel des tribus, les terres nécessaires à la colonisation européenne. La révolution de Février mit fin à son administration au bout de quelques mois. L'Algérie, si voisine de la France, si étroitement dépendante de la métropole, reçoit toujours très directement le contre-coup des événements de notre politique intérieure. De même que la chute de Charles X avait suivi celle de la domination turque, la reddition d'Abd-el-Kader ne précéda que de deux mois la fin du règne de Louis-Philippe.

Les premières nouvelles de la révolution parvinrent à Alger le 27 février et, le 2 mars, le duc d'Aumale apprit qu'il était remplacé par le général Cavaignac ; le lendemain, il partit avec le prince et la princesse de Joinville, après avoir fait ses adieux à l'armée et à la population civile : " Soumis à la volonté nationale, disait-il, je m'éloigne; mais, du fond de l'exil, tous mes vœux seront pour votre prospérité et pour la gloire de la France, que j'aurais voulu pouvoir servir plus longtemps. " A pied, par une pluie battante, les princes traversèrent la ville pour se rendre à la marine, accompagnés par une foule nombreuse et sympathique, et s'embarquèrent pour l'Angleterre sur le Solon. Le commandant Jaurès, qui leur était tout dévoué, se déclara prêt à les conduire en France s'ils le désiraient, mais ils refusèrent. En passant devant Brest, il leur demanda : " Y entrons-nous ? " Les princes courbèrent la tête sans répondre; leur sacrifice était fait; ils entendaient jusqu'au bout demeurer des soldats obéissants et des citoyens dévoués. A vingt-six ans commençait pour le duc d'Aumale un exil qui devait durer jusqu'en 1871. La blessure ne se cicatrisa jamais. A la chasse, pour se donner l'air plus français, il revêtait la blouse de nos paysans. Il conservait pieusement ses uniformes et souvent ses visiteurs le surprenaient à les regarder, comme cloué au sol et hypnotisé.

L'Algérie ne cessa pas de tenir une très grande place dans les préoccupations du duc d'Aumale. " Je porte toujours, écrivait-il en 1855, le plus vif intérêt aux affaires de ce pays, qui est tout mon passé et dont la conquête reste une des principales gloires du règne de mon père. " En 1860, dans une lettre au prince Albert de Broglie, il exposait ce qu'il aurait voulu faire pour l'Algérie s'il en avait eu le temps :

 
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