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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
   Il ne suffisait pas de combattre l'émir : il fallait le remplacer : " Je place en première ligne, disait Bugeaud, le gouvernement et l'administration des Arabes, sans laquelle il n'y a ni sécurité pour la population européenne, ni progrès de la colonisation. Après la conquête, le premier devoir comme le premier intérêt du conquérant est de bien gouverner le peuple vaincu ; la politique et l'humanité le lui commandent également. " Les principaux collaborateurs de Bugeaud dans cette tâche difficile furent Daumas, qui dirigea les affaires indigènes de 1841 à 1847, Léon Roches, Rivet; La Moricière dans la province d'Oran avec Martimprey, Bosquet, de Barral, Charras ; Cavaignac dans le Dahra avec Richard. On peut nommer encore, parmi les plus anciens officiers de bureau arabe, Lapasset, Walsin-Esterhazy, Herbillon, Durrieu, Bourbaki, Bazaine, Desvaux, Ducrot.

Le maréchal Bugeaud pensait qu'on ne peut imposer à un peuple conquis un système quelconque de gouvernement, fût-il plus moral, plus paternel, plus parfait à tous égards que celui sous lequel il avait précédemment vécu, et qu'il faut tenir compte des tendances, des habitudes, du génie des populations pour les administrer avec fermeté, justice et bienveillance, suivant leurs mœurs et leurs institutions, non suivant les nôtres.

On pouvait en cette matière s'inspirer soit de l'organisation des Turcs, soit de celle d'Abd-el-Kader. La question n'était plus entière, puisque nous avions détruit le système turc; il reposait d'ailleurs sur l'arbitraire, sur la distinction des tribus makhzen et raïas, des " mangeurs " et des " mangés " et à ce titre il ne pouvait guère nous convenir. Il a été cependant préconisé du temps de Bugeaud et plus tard encore, par certains officiers qui pensaient que le système pouvait nous servir en l'améliorant, en supprimant les injustices trop criantes et qu'il aurait rendu la pacification plus facile. Quoi qu'il en soit, Bugeaud et Daumas se décidèrent pour le système d'Abd-el-Kader.

Le programme consistait à changer les hommes sans toucher aux institutions fondamentales, à faire succéder sans secousse notre autorité à l'autorité déchue, à supprimer par des réformes successives les abus inséparables de tout gouvernement absolu, à moraliser les nouveaux chefs indigènes par l'exemple de notre probité politique et administrative; à conquérir peu à peu l'affection de nos administrés en leur faisant entrevoir constamment dans les commandants français, détenteurs de l'autorité européenne à l'égard des chefs indigènes, un recours contre l'injustice et l'arbitraire de ceux-ci. Nous n'avions pas les loisirs nécessaires pour innover et lors même que nous les eussions eus, il eût fallu s'en abstenir pour ne pas augmenter les difficultés de tous genres que nous rencontrions.

 
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