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Il ne suffisait pas de combattre l'émir : il fallait le remplacer :
" Je place en première ligne, disait Bugeaud, le gouvernement
et l'administration des Arabes, sans laquelle il n'y a ni sécurité
pour la population européenne, ni progrès de la colonisation.
Après la conquête, le premier devoir comme le premier intérêt du
conquérant est de bien gouverner le peuple vaincu ; la politique et
l'humanité le lui commandent également. " Les principaux
collaborateurs de Bugeaud dans cette tâche difficile furent Daumas,
qui dirigea les affaires indigènes de 1841 à 1847, Léon Roches,
Rivet; La Moricière dans la province d'Oran avec Martimprey,
Bosquet, de Barral, Charras ; Cavaignac dans le Dahra avec Richard.
On peut nommer encore, parmi les plus anciens officiers de bureau
arabe, Lapasset, Walsin-Esterhazy, Herbillon, Durrieu, Bourbaki,
Bazaine, Desvaux, Ducrot.
Le maréchal Bugeaud pensait qu'on ne peut imposer à un peuple
conquis un système quelconque de gouvernement, fût-il plus moral,
plus paternel, plus parfait à tous égards que celui sous lequel il
avait précédemment vécu, et qu'il faut tenir compte des
tendances, des habitudes, du génie des populations pour les
administrer avec fermeté, justice et bienveillance, suivant leurs mœurs
et leurs institutions, non suivant les nôtres.
On pouvait en cette matière s'inspirer soit de l'organisation
des Turcs, soit de celle d'Abd-el-Kader. La question n'était plus
entière, puisque nous avions détruit le système turc; il reposait
d'ailleurs sur l'arbitraire, sur la distinction des tribus makhzen
et raïas, des " mangeurs " et des " mangés "
et à ce titre il ne pouvait guère nous convenir. Il a été
cependant préconisé du temps de Bugeaud et plus tard encore, par
certains officiers qui pensaient que le système pouvait nous servir
en l'améliorant, en supprimant les injustices trop criantes et
qu'il aurait rendu la pacification plus facile. Quoi qu'il en soit,
Bugeaud et Daumas se décidèrent pour le système d'Abd-el-Kader.
Le programme consistait à changer les hommes sans toucher aux
institutions fondamentales, à faire succéder sans secousse notre
autorité à l'autorité déchue, à supprimer par des réformes
successives les abus inséparables de tout gouvernement absolu, à
moraliser les nouveaux chefs indigènes par l'exemple de notre
probité politique et administrative; à conquérir peu à peu
l'affection de nos administrés en leur faisant entrevoir
constamment dans les commandants français, détenteurs de
l'autorité européenne à l'égard des chefs indigènes, un recours
contre l'injustice et l'arbitraire de ceux-ci. Nous n'avions pas les
loisirs nécessaires pour innover et lors même que nous les
eussions eus, il eût fallu s'en abstenir pour ne pas augmenter les
difficultés de tous genres que nous rencontrions.
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