mais quant à présent c'est une nécessité, car le nombre des
officiers connaissant la langue, les mœurs, les affaires arabes
sera longtemps trop restreint pour que nous puissions songer à
donner généralement aux Arabes des aghas et des caïds français.
Il faut donc nous servir des hommes qui sont en possession de
l'influence sur les tribus soit par leur naissance, soit par leur
courage, soit par leur aptitude à la guerre ou à l'administration.
" Mais Bugeaud ne voyait pas là le dernier mot du régime
administratif des tribus; il n'entendait qu'en fixer le point de
départ et comptait sur l'expérience pour suggérer les
modifications nécessaires. Il ne doit donc pas encourir le reproche
d'avoir voulu installer et maintenir dans des positions
exceptionnelles les principaux représentants de l'aristocratie
arabe; il voulait attendre, pour contrôler sérieusement les chefs
indigènes et substituer peu à peu notre autorité à la leur, que
le temps et la tranquillité nous en donnassent la possibilité.
Pour aider les commandants supérieurs dans l'administration
délicate des affaires indigènes, il leur fallait des auxiliaires
familiarisés avec la langue, les habitudes, les idées des
populations. L'arrêté ministériel du 1er février 1844, qui est
la charte des bureaux arabes, décida qu'il y aurait dans chaque
division militaire de l'Algérie, auprès et sous l'autorité
immédiate de l'officier général commandant, une direction des
affaires arabes. Des bureaux, désignés sous le nom de bureaux
arabes, étaient en outre institués dans chaque subdivision auprès
et sous les ordres directs de l'officier général commandant; des
bureaux arabes devaient être créés également sur chacun des
autres points occupés par l'armée partout où le besoin en serait
reconnu et dans des conditions semblables de subordination à
l'égard des officiers investis du commandement. Le bureau arabe,
dans la pensée de Bugeaud, ne devait donc pas être une autorité
indépendante, mais un état-major chargé des affaires arabes
auprès du commandement supérieur, un intermédiaire entre ce
commandement et les chefs indigènes.
Les attributions des officiers chargés des affaires arabes
étaient nombreuses et variées. Ils devaient comprendre et parler
la langue des indigènes, s'appliquer à acquérir une connaissance
approfondie du pays, savoir l'histoire des tribus et dans chaque
tribu celle des personnalités marquantes. Ils devaient se déplacer
fréquemment, visiter les tribus, les marchés et écouter sur les
lieux mêmes toutes les réclamations, afin que l'autorité
française apparût aux indigènes comme la protectrice des
opprimés contre l'arbitraire des chefs. Ils devaient assurer la
transmission des ordres et leur traduction, en expliquer le sens aux
chefs indigènes et provoquer leurs avis, veiller à l'assiette et
à la rentrée des impôts, au paiement régulier des cavaliers du
makhzen, rechercher les biens du beylik, constituer des archives
claires et bien ordonnées.
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