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Il n'eut pas toujours en cette
matière l'appui des pouvoirs publics, car le ministère ne
partageait pas toutes ses idées et fut même souvent en
conflit avec lui.
Bugeaud avait l'amour, le culte de la terre. Il mérita le
beau nom de "soldat laboureur " et fut fidèle à la
devise qu'il s'était choisie : Ense et aratro.
Plus d'une anecdote en témoigne. On nous le montre traçant
lui-même le premier sillon, au milieu d'une nombreuse escorte
de généraux et de chefs indigènes. Un jour que ses soldats
fauchaient un champ de luzerne, "il les regarda avec une
émotion silencieuse qui les paya bien de leurs peines, puis,
détachant son ceinturon et donnant son épée à tenir, il se
coucha tout de son long sur cette luzerne, l'embrassant de ses
deux bras comme pour remercier la terre nourricière qui ne
refuse pas ses trésors à la sueur des hommes. " Une
autre anecdote le fait participer à une scène de battage :
" Je suis sûr que tous ici vous êtes des gens de
lettres. Quel est ton état à toi? - Mon général, je suis
tailleur. - Il n'y en a que trop pour faire les méchants
habits étriqués que l'on porte aujourd'hui, bats le grain,
mon enfant, ce sera plus profitable à la chose publique et à
toi aussi. - Et toi ? - Moi, mon général, je suis étudiant.
- Étudiant pour ne rien étudier, c'est connu; prends le
fléau, mon ami. - Allons, voyons, commençons à battre. Mais
ce n'est pas ça, vous n'y entendez rien. Donnez-moi un
fléau. Tenez, on commence comme cela, doucement, tu, tu, pan,
pan, tu, tu, pan, pan, et petit à petit on tape plus fort.
" Et il joignait l'exemple à la parole. |
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LES IDÉES DE
BUGEAUD EN MATIÈRE DE COLONISATION |
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Le 13 août 1841, Soult adressait
au gouverneur général une très longue dépêche dans
laquelle il indiquait les vues du gouvernement en matière de
colonisation. Le ministre y insistait sur la nécessité de
fixer en Afrique une population européenne, française autant
que possible, qui, tout en assurant la mise en valeur du pays,
prêterait un utile concours aux forces employées à sa
garde. Soult passait en revue les divers points où la
colonisation pourrait le plus utilement s'établir et les
diverses formes à lui donner : individuelle ou collective,
civile, militaire ou pénale. Bugeaud répondit le 26
novembre, en exposant ses vues personnelles, qui, dès ce
moment, accusent quelques divergences avec celles du ministre.
Bugeaud était cependant en matière de colonisation plus
éclectique qu'on ne l'a dit : " Le maréchal, dit un de
ses historiens, n'est l'ennemi d'aucun système et a le rare
mérite d'essayer volontiers d'une idée qui lui paraît
bonne, même si elle ne vient pas de lui. " " La
colonisation, disait-il, est une oeuvre des plus ardues et des
plus compliquées. Il faut pour l'accomplir se montrer large
sur le choix et l'emploi des moyens et des modes d'exécution. |
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