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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
  
Il n'eut pas toujours en cette matière l'appui des pouvoirs publics, car le ministère ne partageait pas toutes ses idées et fut même souvent en conflit avec lui.
Bugeaud avait l'amour, le culte de la terre. Il mérita le beau nom de "soldat laboureur " et fut fidèle à la devise qu'il s'était choisie : Ense et aratro. Plus d'une anecdote en témoigne. On nous le montre traçant lui-même le premier sillon, au milieu d'une nombreuse escorte de généraux et de chefs indigènes. Un jour que ses soldats fauchaient un champ de luzerne, "il les regarda avec une émotion silencieuse qui les paya bien de leurs peines, puis, détachant son ceinturon et donnant son épée à tenir, il se coucha tout de son long sur cette luzerne, l'embrassant de ses deux bras comme pour remercier la terre nourricière qui ne refuse pas ses trésors à la sueur des hommes. " Une autre anecdote le fait participer à une scène de battage : " Je suis sûr que tous ici vous êtes des gens de lettres. Quel est ton état à toi? - Mon général, je suis tailleur. - Il n'y en a que trop pour faire les méchants habits étriqués que l'on porte aujourd'hui, bats le grain, mon enfant, ce sera plus profitable à la chose publique et à toi aussi. - Et toi ? - Moi, mon général, je suis étudiant. - Étudiant pour ne rien étudier, c'est connu; prends le fléau, mon ami. - Allons, voyons, commençons à battre. Mais ce n'est pas ça, vous n'y entendez rien. Donnez-moi un fléau. Tenez, on commence comme cela, doucement, tu, tu, pan, pan, tu, tu, pan, pan, et petit à petit on tape plus fort. " Et il joignait l'exemple à la parole.
 

LES IDÉES DE BUGEAUD EN MATIÈRE DE COLONISATION

 
Le 13 août 1841, Soult adressait au gouverneur général une très longue dépêche dans laquelle il indiquait les vues du gouvernement en matière de colonisation. Le ministre y insistait sur la nécessité de fixer en Afrique une population européenne, française autant que possible, qui, tout en assurant la mise en valeur du pays, prêterait un utile concours aux forces employées à sa garde. Soult passait en revue les divers points où la colonisation pourrait le plus utilement s'établir et les diverses formes à lui donner : individuelle ou collective, civile, militaire ou pénale. Bugeaud répondit le 26 novembre, en exposant ses vues personnelles, qui, dès ce moment, accusent quelques divergences avec celles du ministre.
Bugeaud était cependant en matière de colonisation plus éclectique qu'on ne l'a dit : " Le maréchal, dit un de ses historiens, n'est l'ennemi d'aucun système et a le rare mérite d'essayer volontiers d'une idée qui lui paraît bonne, même si elle ne vient pas de lui. " " La colonisation, disait-il, est une oeuvre des plus ardues et des plus compliquées. Il faut pour l'accomplir se montrer large sur le choix et l'emploi des moyens et des modes d'exécution.
 
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