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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
   Adopter un système, quelque bon, quelque puissant qu'il soit, à l'exclusion des autres, ce serait rendre l'œuvre plus difficile et ses résultats plus lents. Tel mode, excellent dans telle localité, échouerait sur un autre point. "
Bugeaud a marqué sa forte empreinte sur la colonisation algérienne; il a posé les fondements du système de la colonisation officielle, qui a reçu par la suite des modifications diverses, mais qui a toujours été pratiqué depuis lors en Algérie avec plus ou moins d'activité. Après la dure expérience de 1839, il n'était plus possible de laisser la population s'installer au gré de sa fantaisie, livrée à tous les hasards de la guerre et de l'insécurité. Désormais, le gouvernement prend à son compte l'œuvre de la colonisation; il détermine lui-même l'emplacement des villages, fait le lotissement des terrains urbains et ruraux, désigne les colons auxquels ces terrains seront concédés sous certaines clauses et réserves. La colonisation par villages et la concession gratuite, tels sont les deux principes essentiels; ce système a été critiqué, mais il a réussi finalement à assurer le peuplement français de l'Algérie.

L'idée moderne du peuplement paraît d'ailleurs avoir moins frappé Bugeaud que la possibilité d'une part d'assurer la subsistance de l'armée, d'autre part de consolider l'action militaire et au besoin d'y suppléer. Il concevait surtout les immigrants comme une garnison permanente qui permettrait de réduire l'effectif des troupes : " La colonisation, dit-il, libère l'armée et garde la conquête. " Il était d'ailleurs d'accord sur ce point avec le gouvernement : "La colonisation, écrivait le maréchal Soult, est le premier élément de conservation; elle peut nous donner en peu d'années un moyen de pourvoir suffisamment à la défense de l'Algérie sans engager plus qu'il ne convient les forces et l'argent du pays. " Appuyer les mouvements de l'armée et participer à la défense du pays, voilà ce que Bugeaud exige avant tout des colons. On est au lendemain des massacres de 1839 qui ont ruiné la colonisation libre, au lendemain aussi de la crise européenne de 1840 qui a failli nous valoir la guerre sur le Rhin. La population fut organisée en milices placées sous l'autorité du commandant supérieur du cercle ou de ses lieutenants. " Le colon africain, dit Bugeaud, ne devra jamais laisser rouiller son fusil; il le tiendra toujours prêt à faire feu et s'en servira avec adresse; mais pour cela il est nécessaire que la milice soit très militairement constituée. Je n'entends pas assurément enlever aux communes africaines le régime municipal, ni, en ce qui touche leur administration intérieure, la douceur et l'égalité de nos lois, mais je veux, dans leur intérêt le plus cher, celui de leur conservation, que les milices soient disciplinées, obéissantes, pour combattre les Arabes; qu'elles sachent faire avec légèreté un petit nombre de mouvements, bien charger leurs armes et tirer avec justesse; qu'elles aient surtout l'intelligence du combat en tirailleurs et qu'elle soient animées de cette confiance guerrière qui préviendra ou repoussera les tentatives des Arabes ".

 
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